Souvenez-vous .... nous sommes début octobre 70 et votre "Led Zep II" est usé jusqu'à la corde d'avoir trop tourné sur votre 'Tepaz' depuis près d'un an. Les dernières notes de 'Bring Me Home' hantent encore vos tympans alors que vous revenez de chez votre disquaire préféré avec le nouvel opus des fondateurs du hard rock. Vous déballez fébrilement les 30 centimètres d'une pochette au décor psychédélique, collage de papillons, d'oiseaux et autres objets volants parfois cigaroïdes. La face supérieure est percée de 5 ou 6 trous de tailles inégales qui laissent voir les dessins colorés qui ornent un disque cartonné qui tourne entre les deux épaisseurs de cette pochette étonnante, toujours changeante.
A peine le bras et sa pointe diamantée entre en contact avec la galette noire posée sur le tourne-disque qu'un riff entêtant surgit des baffles de votre chaîne (presque Hi-Fi). Robert Plant lance un cri qui deviendra vite un incontournable des concerts du groupe et, sans vraiment que vous n'ayez senti le temps passer, vous voilà déjà au bout des 2'25 de cet 'Immigrant Song', partagé entre l'envie de la remettre et celle de découvrir la suite ...
La suite, c'est 'Friends', chanson aux sonorités indiennes qui laisse présager d'une orientation que prendra Led Zeppelin dans les années à venir (mais ça, on ne le savait pas à l'époque !!). Pour les fans du coté blues de la musique de Led Zep, ce troisième opus livre une perle, 'Since I've Been Loving You', où maître Jimmy se lâche dans un solo (un de plus !) qui marquera l'histoire du hard-rock, mêlant les gémissements de sa guitare à ceux de la voix d'un Robert Plant habité.
Si Led Zeppelin est reconnu pour ses hits au rock incisif, le groupe ne dédaigne pas faire des détours vers d'autres contrées musicales, et l'esprit celte hante ce troisième album grâce à un 'Gallows Pole' endiablé où la guitare électrique cède sa place à la mandoline et au banjo, et un 'Bron-Y-Aur Stomp' qui ferait taper du pied un cul de jatte. 'Tangerine' est une autre perle sertie au coeur de cet album, qui sera révélée lors des concerts car, comme d'autres titres présents ici ('That's The Way' ou 'Friends'), les compositions de ce "III" pouvaient sembler trop sages pour les fans espérant un successeur musclé au précédent album. La flamme de Led Zeppelin est ici ramenée à une incandescence couvant sous une fausse douceur. Ce trop sage troisième album restera cependant une ossature solide pour tous les shows du groupe.