Nous sommes au début des années 90 lorsqu’un vent de fraîcheur vient souffler sur le paysage rock américain. Ce dernier est provoqué par les ailes d’un jeune groupe venant du sud, amenant sur leur dos un rock chargé de blues, de soul, de références aux racines du hard rock et un incontournable accent Southern.
Les Black Crowes sont menés par deux frangins aux caractères bien trempés. Au chant, Chris éclabousse cet album de toute sa classe avec sa voix éraillée pouvant se montrer tour à tour, provocatrice, agressive ou émouvante. Rich à la guitare a quant à lui le don de nous proposer des riffs d’une extraordinaire authenticité et qui ne laisseront pas insensible un certain Jimmy Page.
Les Black Crowes sont capables de varier les tempos sans jamais manquer leur cible. Les morceaux rythmés sont irrésistibles avec notamment l’entraînant 'Jealous Again' ou le légèrement syncopé 'Could I’v Been So Blind'. Et dans ce domaine, les frères Robinson sont autant capable d’appuyer sur l’accélérateur comme sur le percutant 'Thick’N’Thin', que d'alourdir leur musique comme sur un 'Struttin’ Blues' aux accents d’Aerosmith.
Mais s’il est un domaine où Chris est intouchable, c’est bien dans le registre des ballades dans lesquelles il dégage une émotion sidérante. Ecoutez simplement le somptueux 'She Talks To Angel' et vous comprendrez ce qu’est un chanteur exceptionnel. Sur 'Sister Luck', le riff n’est pas sans rappeler certaines ballades des Guns’n’Roses. Quant à "Seeing Things", son tempo particulièrement lent et ses nappes d’orgues forment un matelas moelleux sur lequel Chris vient déposer une performance toute en sensibilité.
Difficile donc de trouver une première œuvre aussi aboutie que ce "Shake Your Money Maker" au dosage à la fois subtile et équilibré. Les Black Crowes n’auront donc pas besoin de patienter plusieurs albums pour s’imposer comme des figures incontournables d’un Southern Blues Rock à la fois ancré dans le présent et arborant fièrement ses racines.