Vincent Damon Furnier, ça ne faisait pas vraiment rock. C’est pourquoi en 1968 le jeune Vincent opte pour le pseudonyme Alice Cooper, par pure dérision. Le groupe, de ses (laborieux) débuts fera de la provocation son fond de commerce et le montrera par de sulfureuses prestations scéniques (guillotine et boa constrictor à la clé), qui le placent parmi les jalons du shock-rock. Les influences musicales du groupe, qui compose souvent collectivement, sont à chercher du côté des groupes phares du rock du moment comme les Beatles, les Rolling Stones, voire les Who (ici sur 'Gutter Cats vs The Jets'), avec une tendance assez marquée hard rock.
La rencontre avec le producteur Bob Ezrin est décisive dans la progression musicale d’Alice Cooper. Car il ne faudrait pas limiter le groupe à une machine scénique : les compositions, basées sur un esprit rock, sont - du moins à cette période - solidement établies, et les interprétations, particulièrement efficaces.
Le succès commence à voir le jour l’année précédente avec "Killer", mais c’est avec ce "School’s Out" que la renommée prend vraiment une dimension mondiale. La pochette forme un pupitre d’écolier, et l’album vinyle est vendu délicatement emballé dans une culotte féminine en papier, un joli coup de pub en ces années post-68. Une curiosité : les titres sont donnés dans le désordre à l’intérieur de la pochette, à l’auditeur de les réinscrire dans l’ordre !
Quid du contenu, à présent ? L’album s’ouvre sur le titre éponyme, un solide gros rock très efficace, n°2 aux States et n°4 en Grande -Bretagne, qui fera les belles soirées dans pas mal de boums de l’époque. Et le reste de l’album est de la même qualité, tournant autour d’un hard-rock amélioré par de belles trouvailles mélodiques et orchestrales ('Luney Tunes', 'My Stars', et bien sûr 'Grand Finale').
L’intérêt ne faiblit pas tout au long de l’écoute, soutenu par l’excellence des instrumentistes. Les lignes rythmiques sont extrêmement solides et fouillées, que ce soit à la basse ou à la batterie ('Blue Turk'). Les arrangeurs n’hésitent pas à utiliser le violon ('Luney Tunes') ou à entremêler les soli de guitare avec des cuivres (trombones et sax sur 'Blue Turk', pour un instrumental jazzy et fluide). Cerise sur le gâteau, Alice Cooper adresse des clins d’œil aux années 60 dans le seul titre soft de l’album ('Alma Mater') et intègre des phrases de éWest Side Storyé de Bernstein (le prologue) dans 'Gutter Cats' et 'Grand Finale'.
Au milieu de ses troupes, Alice Cooper lui-même évolue avec la belle aisance vocale d’un meneur de revue. "School’s Out", avec un bel éclectisme, s’éloigne pas mal des schémas classiques du rock, s’autorisant avec un certain culot des variations que l’amateur de progressif ne peut que saluer !