C’est avec Memorial sorti en 2006 que les portugais de Moonspell ont réussi à sortir de la routine dans laquelle ils s’étaient installés petit à petit depuis Butterfly Effect sorti en 1999. En effet, malgré des qualités évidentes et un certain retour à une musique plus gothique, les deux albums qui ont suivi présentaient un groupe se cherchant et tournant en rond. Ainsi, Memorial, s’affirmant comme un des disques les plus brutaux que Moonspell ait jamais fait, montrait une formation renouant avec ses origines, à savoir des vocaux aux limites du black métal sur une musique nettement plus dark. Moonspell enfonçait le clou dans cette volonté de durcir le ton en sortant en 2007 Under Satanae, qui les voyait réenregistrer leur premier album ainsi que leurs démos pour un résultat imparable, dans un esprit purement black metal avec toujours ce petit aspect gothique qui les caractérise.
Au premier abord et aux premières écoutes, Night Eternal ne semble pas éloigné de l’état d’esprit de son prédécesseur. Le disque est court, va droit au but et les interludes présentes sur Memorial sont même laissées de côté.
Night Eternal s’avère peu évident à aborder. Le novice ou simplement la personne un peu allergique au métal extrême aura bien du mal à s’y plonger. Pourtant le jeu en vaut la chandelle car le groupe propose de nouveau un grand cru avec un concept album dont la nuit et le sang seraient le fil conducteur autour du destin de la Terre et de son lent déclin.
Musicalement certains passages sont parmi les plus violents composés par le groupe, ponctués heureusement par des accalmies salvatrices. L’ensemble est très homogène et chaque titre peut s’apparenter à une pièce d’un puzzle se construisant au fur et à mesure de l’écoute.
L’album démarre de manière progressive, à l’image du premier titre, « At tragic heights », qui est un petit bijou de près de sept minutes. Celui-ci monte doucement en puissance, l’intro se lance calmement, Fernando Ribeiro se fait d’abord très narratif avant d’arriver sur le refrain à des parties aux limites du black. On monte ensuite en puissance avec le morceau éponyme. Sur des parties de batterie très typés death métal, Ribeiro se fait très agressif et rugueux. Le titre se voit gratifié de soli de guitares très heavy métal dans l’esprit et particulièrement inspirés qui lui donnent une couleur inattendue. Le travail orchestral ainsi que celui des claviers contribuent à donner une ambiance particulièrement noire à ce titre.
A coté d’autres morceaux dans cette veine extrême, tel le très violent « Moon in mercury » qui se place aux frontières du black métal symphonique, se détachent quelques titres que je qualifierais de lumineux, même si cette lumière est un peu celle du désespoir.
Le premier qui porte le nom de « Scorpion Flower », voit l’arrivée d’une invitée prestigieuse en la personne de Anneke Van Giersbergen (Agua de Annique). Le mélange entre le chant grave et profond de Ribeiro et celui de Anneke réussit à transformer un titre un peu commercial en une franche réussite gothico-atmosphérique. Le second, « Dreamless » (Lucifer and Lilith), chanté en voix claire amène un climat d’une rare tristesse, tristesse qui n’a jamais été aussi belle que sur le refrain de ce titre, sans doute le plus beau de l’album. Enfin le dernier, « First Light », tire lui aussi son épingle du jeu par son chant. En effet, sur des orchestrations très avant, les chants féminins se marient à merveille à celui de Ribeiro donnant un résultat très mélancolique et poignant. Un excellent titre pour clôturer le disque.
Au final, Night Eternal s’apparente donc à un savant mélange entre calme et furie, entre éclaircie et noirceur et se veut être un parfait visage de ce que le groupe a su faire dans sa carrière. Moonspell nous offre ainsi un album digne de ses capacités et sans nulle doute l’une de ses meilleurs productions.