Chaque nouvel album de Kip Winger est un évènement en soi. Que ce soit en solo, comme pour cet album, ou avec son groupe Winger, Kip Winger n’a jamais été particulièrement prolixe même si ces dernières années ont été une véritable bénédiction pour les fans (un live cd-DVD, un disque de raretés et le quatrième album de Winger : IV). C’est aujourd’hui le troisième album solo sous le nom From The Moon To The Sun après les très réussis Thisconversationseemslikeadream en 1997 et Songs From The Ocean Floor en 2000. Les albums solos de Kip Winger sont toujours fort réussis et bien différents de ce qu’il peut proposer avec son groupe. La même personne est ainsi capable d’être le géniteur d’un AOR ayant longtemps lorgné vers le glam avec Winger et aussi le créateur d’un rock plus porté sur la pop et extrêmement racé sous le nom Kip Winger. Tous ces éléments font que cette sortie était extrêmement attendue.
Kip s’est entouré de certains musiciens qui lui sont familiers comme Rod Morgenstein à la batterie et Cenk Eroglu aux claviers et guitares. On retrouve Andy Timmons (Danger Danger) et Rob Eberhard aux guitares, Ken Mary aux fûts (Impellitteri) et Alan Pasqua au piano. Kip Winger a été très perspicace dans le choix de ses musiciens car chacun d’eux vient insuffler ses propres influences aux compositions. Ainsi, l’anatolien Cenk Eroglu apporte sa touche orientale et Alan Pasqua ses appétences jazz et classiques sur « Pages And Pages » et « Ghosts ».
Les deux premiers morceaux sont assez classiques du style de Kip Winger : mids-tempo aux refrains immédiats et aux vapeurs orientales avec cordes et instruments traditionnels pour « Every Story Told » et rock léché avec ambiance arabisante pour « Nothing ». La patte de Eroglu se fait sentir dès le début d’un album qui commence extrêmement bien. Le reste tire plus vers une pop sucrée dans laquelle les guitares électriques se font très discrètes comme avec « California » et le très Toto "Runaway " ou bien trouvant de nombreux points communs avec le génie de Sting (« Pages And Pages », « In Your Eyes Another Life »). Le son plus beatlesien est exploité avec le jovial « What We Are ». Dans tous les cas c’est la voix de Winger qui fait merveille, portant à elle seule les morceaux («In Your Eyes Another Life ») ou les transcendants (« Nothing »). Les chœurs aussi ont une large part dans la réussite des titres (« Reason To Believe »).
L’ambiance mélancolique est assez constante a cause de la prépondérance des ballades et c’est grâce à quelques chansons qui viennent contredire cette orientation que l’album ne tombe pas dans le pathos (l’entêtant « Reason To Believe »). L’ajout de cuivre, de cordes ou d’effets très modernes viennent agrémenter les chansons pour leur donner une densité supérieure à de simples morceaux pop (« What We Are » ou « One Big Game » par exemple).
From The Moon To The Sun réserve même une surprise pour le moins inattendue avec la pièce nommée « Ghost », véritable instrumentale de musique classique, qui vient déconcerter l’auditeur. Sa présence n’est peut être pas totalement incohérente au milieu de chansons il est vrai pop mais magistralement orchestrées par Winger. Le talent de Kip Winger perce sur de nombreuses compositions. Son inspiration est à son paroxysme sur la magnifique et très aérienne composition « Pages And Pages » et son enrobage piano-violons. La fin de morceau avec légères percussions, chorus de piano et nappes de cordes est une franche réussite.
Le Kip Winger solo est toujours imprévisible et inspiré, on en a encore la démonstration avec From The Moon To The Sun. Cet album est extrêmement bien réalisé, tant dans les arrangements et les orchestrations que dans les mélodies. Il est relativement constant dans une certaine mélancolie et demeure ainsi exigeant dans la manière dont on l’aborde. On n’écoutera pas cet album comme on écouterait IV, le dernier Winger. Tous ces éléments font qu’il se dégage de ce disque un magnétisme qui fait qu’on y revient inéluctablement en découvrant toujours de nouvelles choses. En un mot, From The Moon To The Sun est plus difficile d’accès qu’on pourrait le penser mais recèle des trésors harmoniques surprenants.