N’ayant pas particulièrement apprécié le virage plus ou moins death metal emprunté par le groupe sur ses précédentes réalisations, c’est avec plaisir que je retrouve aujourd’hui Testament tel que je l’avais laissé après « Practice What You Preach », à savoir un groupe pratiquant un thrash made in Bay Area de haute volée agrémenté d’un soupçon de heavy fort bienvenue. Il aura tout de même fallu attendre 9 ans pour que les Californiens accouchent du petit frère de « The Gathering » sorti en 1999 (pour ceux qui n’auraient pas réussi à faire le calcul, peu aisé je vous l’accorde !). Neufs années au cours desquelles nous nous sommes inquiétés pour le groupe, son avenir et pour son chanteur désormais débarrassé de sérieux ennuis de santé qui nous firent craindre le pire.
Aujourd’hui, Chuck Billy va mieux et c’est en compagnie du line-up d’origine (excepté le batteur Louis Clemente remplacé par Paul Bostaph) qu’il nous livre fièrement le huitième album studio du groupe. Line-up d’origine donc et retour de cette voix si particulière que je considère (et cela n’engage que moi) comme étant l’une des meilleures de toute la scène thrash. Chucky l’Indien délaisse les divagations gutturales des derniers albums (excepté pour le morceau « More Than Meets The Eye » chanté avec un organe rauque et viril) pour revenir à quelque chose de plus humain et mélodique. Alex Skolnick rentre également au bercail et signe un retour magistral avec des soli jamais démonstratifs mais toujours héroïques. Ses ornement densifient les riffs millimétrés du sous-estimé, et pourtant essentiel, Eric Peterson qui effectue une fois de plus un travail admirable.
Les morceaux sont à la fois agressifs et mélodiques, oeuvres d’un groupe qui a durant plus de deux décennies fait ses preuves en matière de composition. Chaque titre est un modèle de construction efficace, les plans s’enchaînent dans une dynamique parfaite ne laissant à aucun moment un semblant de lassitude s’installer.
« The Formation Of Damnation » s’ingurgite goulûment et laisse un irrésistible arrière goût de reviens-y.
Retournons-y, donc, pour nous pencher sur le cas Paul Bostaph qui après Forbidden, Slayer et Exodus, s’offre Testament et réalise comme d’habitude une prestation simplement impeccable. Les djeunz amateurs de batteurs poulpes seront déçus par l’absence de blast hypersoniques et de roulements numérisés. Paul qui n’a depuis longtemps plus besoin de prouver quoi que ce soit tient solidement l’ensemble avec la sobriété sage et classieuse des Grands Anciens qui ne noircissent pas une partition avec leur égo mais un avec un talent depuis longtemps reconnu. Si seulement la prochaine destination du Sieur Bostaph pouvait s’appeler Metallica...
Peu de points faibles donc même si un soupçon d’agressivité supplémentaire sur un ou deux titres un chouilla plus molassons (« The Evil Has Landed » par exemple) eût été accueilli avec plaisir (je pinaille). Côté prod, rien à redire, Andy Sneap offre au groupe un son très puissant, clair et claquant qui permet même à la basse de Greg Christian de se faire une place de choix (fait suffisamment rare pour être souligné).
Quelques mois après la livraison savoureuse d’un Exodus au top de sa forme, Testament nous remet une belle tarte avec cet album qui semble confirmer un retour en force du Thrash Metal de nos jeunes années, pas la bouse néo-power-machin pour skateurs biactolés du dimanche, tss tss, le thrash à la bière de luxe (...) qui portait des frocs moules burnes et des grosses baskets à languettes géantes ! Metal Up Your Ass comme disait l'autre ...