« La complexité ne donne pas de la valeur aux choses, elle les rend seulement moins accessibles.». C’est ce que j’ai pu lire quelque part sur le net, et qui me semble plutôt adapté pour débuter cette chronique. Car de complexité, il en sera question sur ce dernier opus des anglais de Guapo. Complexe leur musique l’est, c’est une évidence, mais moins par une technique démonstrative que par sa structure hautement expérimentale.
Par des formats longs installant des mondes aussi étranges que variés, le trio (accompagné de Kavus Torabi derrière la guitare) va puiser dans des registres aussi variés que le rock, le jazz, le folklore celte, etc. Souvent classé en tant que groupe zeuhl, les influences avouées ou qui se distinguent à l’écoute penchent vers Magma, John Zorn, King Crimson ou encore Miles Davis. Avec ce huitième album (sans compter les nombreux EP’s) en dix de carrière, Guapo s’engage de nouveaux dans les expérimentations sonores qui ont fait sa renommée.
Polymorphes, bigarrées, les ambiances crées par Guapo s’articulent autours de thèmes musicaux bien définis. Ainsi, à l’inquiétant « Jeweled Turtle » et ses tristes violons parfois stridents, suivent des compositions aux atmosphères plus légères et versatiles (« Arthur, Elsie and Frances »), d’une volupté et d’une douceur style cabaret jazz (« Twisted Stems - The Heliotrope », voire le toujours lent et envoutant « Twisted Stems - The Selenotrope »), jusqu’aux musiques traditionnelles d’inspiration celtique (« The Planks »), et pour finir un condensé de plus d’un quart d’heure de ce que le groupe a pu proposer jusque là (« King Lindorm »)
Cette fastueuse entreprise met en avant la plupart du temps de longs morceaux instrumentaux souvent dissonants où la musique se suffit et parle par elle-même. Une gracieuse voix féminine s’immisce toutefois sur « Twisted Stems - The Selenotrope » ainsi qu’une psalmodie monotone sur « Twisted Stems - The Heliotrope ». Le chant, peu fréquent, semble avoir été intégré pour suivre naturellement la musique, comme s’il s’agissait d’un cinquième instrument.
Comme souvent en matière de musique expérimentale, l’accessibilité est restreinte mais musicalement « Elixirs » est riche, muni d’une production solide et finalement assez séduisant pour peu que l’on se laisse entraîner dans cet univers d’avant-garde.