Avec ce septième album, le groupe italien Presence offre une fois encore un dark-rock progressif très symphonique, ténébreux souvent, proche parfois d’une atmosphère plus heavy à la Deep Purple ou Rainbow (dont le groupe propose d’ailleurs une reprise, "Gates of Babylon"). Le propos reste largement mélodique, sans étalage de technique outrancier, et est relevé par la voix très maîtrisée de Sophya Baccini, entre chant lyrique et pop de qualité. Par ailleurs, les claviers de Enrico Iglio sont à l’honneur dans ce « Evil Rose » dont la masterpiece éponyme est le condensé parfait des principales qualités du groupe, beaucoup moins de ses défauts, dont les autres titres ne sont malheureusement pas exempts.
Au titre des qualités de cet opus, il faut reconnaître que le groupe possède une sacrée imagination. Vous me direz qu’il est difficile de faire de la musique, et plus encore du rock progressif, sans en disposer d’un minimum. Certes oui, mais ici, les idées fusent sans cesse, un court intermède pianistique classisant succédant à un ensemble de riffs à la noirceur assumée, tandis qu’un bref et flamboyant solo de guitare peut conduire à une courte cascade musicale dans le plus pur esprit ELP, période "Tarkus". L’ensemble des compositions excellent également dans l’art de créer des ambiances oppressantes, qui vont du minimalisme le plus extrême (de simples nappes éthérées soutenant vocalises féminines et utilisation raisonnée de bruitages divers) à l’orchestration la plus grandiose (cordes, orgues, cuivres, le tout reproduit aux claviers avec une certaine réussite, même s’il semble évident que le groupe ne possède pas la même technologie qu’un Clive Nolan dans son projet Caamora). Les soli du guitariste Sergio Casamassima, habilement situés entre vitesse, technique et lyrisme exacerbé, parviennent à insuffler un supplément d’âme à une musique qui n’en manque pourtant pas. Quant à la section rythmique, elle est capable de dynamiser son jeu à bon escient, comme de se montrer plus discrète mais tout aussi efficace lors des passages atmosphériques. Aussi le morceau "Evil Rose", du haut de ses 18 minutes, reste-t-il la pièce la plus enthousiasmante du disque, la plus élaborée, complexe parfois, et pourtant tout à fait accessible.
Le problème, vous l’aurez deviné, c’est qu’il n’en est pas de même sur l’ensemble de l’album. Si certains titres ne s’en sortent pas trop mal et ont réussi, bon gré mal gré, à me conquérir, d’autres ont un effet répulsif des plus étonnants, à l’image de ce "Subterreans" fade et ennuyeux, absurdement sombre, et qui aurait gagné à rester enfoui quelques temps encore sous plusieurs tonnes de terre lourde et humide. Et c’est bien cette noirceur récurrente qui finit par plomber l’album ; même la reprise du morceau de Queen, "The Prophet’s Song", originalement mélancolique mais sans cesse aérien, est ici traitée au ras des bottes du fossoyeur, engluée dans une boue épaisse dont l’honteuse paternité revient majoritairement au bassiste/guitariste. Puis, malgré toute la maîtrise dont elle fait montre, Sophya Baccini ne parvient pas à égaler Freddy Mercury au chant ; il serait difficile de lui en vouloir tant l’exercice était risqué, mais c’est bel et bien raté. Il faut alors attendre le morceau "Orphic" pour que la magie opère à nouveau, et qu’une extraordinaire fusion des genres (jazz, musique classique, blues) dans un rock progressif assez heavy fasse mouche une fois encore. Notre chanteuse, que nous avions laissé en fâcheuse posture avec Queen, confirme ici qu’elle excelle dans tous les registres, tandis que le claviériste effectue un excellent travail d’arrangement, conférant à ce titre une coloration assez épique des plus agréables.
Au final, nous sommes face à un album trop inégal pour mériter un véritable concert de louanges, mais certaines pièces confinant au sublime, il mérite un détour approfondi, ne serait-ce que pour l’excellent morceau éponyme. Loin d’être indispensable donc, mais une certitude néanmoins : vous ne regretterez pas votre achat…