Wishbone Ash est un groupe qui a toujours eu un public restreint mais fidèle, sans doute parce que leur rock est, à l'époque, inclassable : pas assez musclé pour être hard, trop travaillé pour être pop. Aujourd'hui, 36 ans après sa sortie, leur troisième album reste le point d'orgue d'une carrière qu'Andy Powell, seul rescapé du line-up originel, prolonge encore en 2008.
En 1972, lorsque qu'Argus sort, le "petit" public de Wishbone Ash espère que ses héros vont affirmer leurs talents par une création majeure et il ne sera pas déçu. Les premières notes de Time Was entraînent l'auditeur dans une composition de près de 10 minutes qui démarre en balade et décline ses accords sur un tempo plus rapide dès la troisième minute. On y retrouve les sonorités des deux guitares qui se répondent, donnant à Wishbone Ash ce son unique et, telle une gemme scintillante, reposant dans cet écrin de musique soyeuse, la voix de Martin Turner et sa clarté rare.
Si Time Was rappelle le premier album de Wishbone Ash, avec Sometime World c'est de Pilgrimage que semblent sorties les harmonies vocales qui surgissent dans sa partie médiane. Blowin' Free nous permet de découvrir le talent de Ted Turner à la slide et ne laisse aucun répit au mélomane ébahi puisque ses dernières notes ne s'estompent que pour laisser la place à l'intro mythique de The King Come. Une bonne minute d'entrelacs guitaristiques qui vont crescendo sur une rythmique faussement simple jusqu'au premier riff poignant de ce titre devenu mythique, sans doute grâce aux plaintes de la wha-wha de Ted Turner.
On ne peut pas passer sous silence la mélancolique balade qu'est Leaf and Stream, ni Warrior qui, comme le soldat de la jaquette, semble être figée dans le temps dans les premières lueurs de l'aurore. Cette aurore qui nous amène une mélodie qui croit doucement, une lente intro un peu dans le style de celle de The King Will Come, afin que retentisse Throw Down The Sword qui, pour conclure cet album magique, nous offre un des plus beaux duos de guitares de tous les temps, un moment épique à faire pleurer l'auditeur le plus endurci.
La version remasterisée de l'album nous offre 3 titres supplémentaires enregistrés live à Memphis en 1972 (Jail Bait, The Pilgrim et Phoenix). Je suis partagé quant au bien fondé de cette initiative car, si les morceaux proposés sont excellents, ce surplus de musique atténue l'effet magique du final de Throw Down The Sword. Avec ou sans Bonus, Argus reste un chef d'oeuvre de Wishbone Ash qui se doit de trôner dans toute discothèque digne de ce nom.