Alors qu’Isis vient de signer chez Ipecac, label de Mike Patton, sort "Oceanic", deuxième opus des désormais attendus californiens. Plus grand succès du groupe à l’heure actuelle, il représente une évolution certaine dans la discographie du groupe. Arborant toujours des formes très abrasives, "Oceanic" se veut cependant moins impétueux et plus accessible que son prédécesseur.
A l'inverse, tout comme "Celestial" deux ans plus tôt, l’album possède une thématique particulière. Ainsi retrouve t-on les sujets déjà abordés de l’eau (introduit précédemment dans "Red Sea") et de la femme ("Celestial", "Red Sea"). Comme à son habitude, Aaron Turner joue les conteurs et propose une histoire touchant à ces deux sujets : un homme au bord de l'engourdissement émotionnel se retrouve complètement grâce à une femme ("The Beginning and the End", "False Light") Pourtant, il découvre très vite qu'elle a eu des rapports incestueux ("Maritime", "Weight", "A Day, It Changes Everything") avec son frère ("Hym", "The Other") Cela le pousse à perdre tout espoir et décide de se suicider par la noyade ("From Sinking Sands, He Stepped into light's Embrace")
Au vu du thème traité, l'album dégage une atmosphère particulièrement oppressante et tragique alternant entre passages dépressifs, lents, dépeignant une certaine résignation, et moments de hargne sur lesquels Turner s'époumone vigoureusement, notamment sur le final de "From Sinking" où cette animosité touche à son paroxysme.
Alors qu’une spontanéité se retrouve encore sur certains titres à l’instar de "The Beginning and the End" débutant l’album et que le chant clair ne fait toujours pas partie du carnet de route de la formation (excepté sur "Hym"), Isis surprend en insérant des mouvements post-rock (l’introduction de "Carry" et de "Weight" ou l’instrumental "Maritime") plus largement employés dans leurs futurs travaux. Il règne ainsi parfois une impression de fausse sérénité vite dévastée par les trombes lâchées par le trio de guitares.
Les expérimentations se font moins nombreuses et la majorité des autres plages sont submergées par les rythmes du métronome Aaron Harris ainsi que par un flot de riffs lourds et surpuissants dont l'âpreté permet ainsi de mettre en relief la dimension dramatique du récit.
Torturée et viscérale sur le fond comme sur la forme, la musique d'Isis dérange d'un bout à l'autre par ses côtés écrasants, angoissants voire quelque part morbides. "Oceanic" marque également une certaine évolution, qui se confirmera chez ses successeurs, vers une accalmie et une sensible mutation de style. C'est aussi et surtout une énorme réussite qui fera connaître au groupe une reconnaissance légitime au-delà d'un simple succès d'estime.