Nous sommes en 1978 et Scorpions a déjà 5 albums à son actif. Bien que de qualité inégale, ils renferment cependant quelques perles. De plus, les 2 derniers en date, "Virgin Killer" et "Taken By Force" ont permis au groupe de franchir un nouveau palier et une tournée japonaise se prépare. Pourtant, Uli Jon Roth, le guitariste au bandanas, se sent à l’étroit au sein de Scorpions et rêve de nouveaux horizons plus psychédéliques. Il retarde cependant ses projets pour permettre à ses amis de réaliser ce périple au pays du soleil levant dont les retombées s’annoncent particulièrement importantes en terme de revenus financiers et de renommée internationale.
Autant dire que le monde musical peut lui brûler un cierge car, au delà des résultats envisagés, il va permettre la sortie d’un monument, à savoir ce "Tokyo Tapes" légendaire auquel nous allons nous intéresser.
Produit par le fidèle Dieter Dierks, ce live est le coffret de 2 diamants bruts : le jeu irréel et lumineux d’Uli Jon Roth et le chant d’un Klaus Meine au sommet de sa forme. En effet, même si leurs compagnons de jeu n’ont pas à rougir de leur prestation, les deux compagnons éclaboussent cet album de leur charisme et de leur technique sans faille. L’autre vedette de cet album, c’est le public japonais réactif et déchaîné. En même temps, il faudrait être inhumain pour rester de marbre à la prestation proposée. Celle-ci est à la fois variée et de qualité, et si les 5 albums sont représentés tout au long de la setlist, cette dernière est également agrémentée de surprises, alors que chaque version est sublimée par rapport à son pendant studio.
Et c’est par un "All Night Long" inédit et dernière composition de Roth pour Scorpions, que s’ouvre "Tokyo Tapes". Il est suivit par 2 titres de "Virgin Killer" ("Pictured Life" et "Backstage Queen") avec lesquels il forme une rafale hard-rock qui porte le public à ébullition. Mais que les plus jeunes ne se trompent pas. A l’époque, le hard-rock de Scorpions est psychédélique, Uli Jon Roth idolâtrant Hendrix, et cette composante prend toute son ampleur sur des pièces telles que "We’ll Burn The Sky" ou un "Fly To The Rainbow" amputé de sa première partie, mais utilisant "In Search Of The Peace Of Mind", monument de feeling et seul extrait de "Lonesome Crow", comme introduction. Encore un pur moment de magie qui se dispute la palme du genre avec la reprise du chant traditionnel japonais "Kojo No Tsuki", entamé à capella par Klaus Meine, prolongée par le public seul, et conclue par un solo déchirant du père Uli.
Du côté des titres plus énergiques, nous retiendrons le percutant "He’s A Woman, She’s A Man" sur lequel Francis Buchholz est mis en valeur grâce à des passages à la limite du funk, et qui ouvre une série qui brûle tout sur son passage, avec, entre autres, le légendaire "Speedy’s Coming", et l’enchaînement de 2 classiques du rock, à savoir le "Hound Dog" d’Elvis et le "Long Tall Sally" de Little Richards. C’est sur un "Dark Lady", où Roth et Meine partagent le chant, que prend fin cette rafale jouissive et ceci, avant les rappels constitués par "Kojo No Tsuki" et par le très rock’n’roll "Robot Man" où Uli nous gratifie d’un dernier délire guitaristique.
Autant dire que vous ne verrez pas le temps passer tout au long de ces 17 titres. Ceci est d’ailleurs l’occasion de signaler la seule ombre à ce tableau idyllique. En effet, le format CD nous prive d’un 18ème titre, à savoir le fabuleux "Polar Night" qui s’est depuis retrouvé projeté en bonus de la réédition de "Taken By Force". Dommage car le morceau vaut son pesant d’or et perd un peu de sa magie en se retrouvant isolé du reste de l’album.
Malgré tout, nous ne finirons pas sur une note négative, "Tokyo Tapes" méritant le statut d’album live légendaire, et par sa qualité, et par le fait qu’il représente la fin de la première époque de la vie de Scorpions, avant que ce groupe n’entre dans des schémas de morceaux plus classiques qui lui vaudront le succès que nous lui connaissons et qu’il a amplement mérité. Sayonara !