A peine le temps de digérer le succès phénoménal et plutôt inattendu de Tubular Bells, et voilà Mike Oldfield de retour avec sa deuxième œuvre, au format similaire (2 longues suites) mais au contenu bien différent … quoique. Retiré dans une maison isolée proche du Pays de Galles pour fuir la pression liée au succès de son premier album, notre héros s'inspire cette fois-ci de son environnement campagnard, y compris dans le titre dévolu à cette deuxième galette, Hergest Ridge étant le nom d'un crête environnante.
Loin de la violence et de la multitude de thèmes présents dans Tubular Bells, Mike Oldfield nous propose ici une œuvre beaucoup plus calme, plus sereine, réduisant notamment le nombre de thèmes et prenant le temps de les répéter ad libitum. Ainsi, la première plage s'ouvre de manière un tantinet poussive, puis prend son rythme de croisière lors d'une longue montée en puissance de près de 8 minutes, portée par de splendides interventions à la trompette de Ted Hobart. Un second thème, tout aussi calme prend alors le relais, superbement introduit au hautbois. L'enchaînement avec la troisième phase de cette première partie a ensuite lieu après une nouvelle montée puissante associant la guitare et le glockenspiel. Ce dernier thème plus dynamique rappellera la séquence "présentation des instruments" de Tubular Bells, la mélodie s'enrichissant au fur et à mesure de nouveaux instruments, avant de culminer sur une intervention remarquable de … cloches tubulaires …
La seconde partie d'Hergest Ridge poursuit dans la même voie : une première partie à la mélodie paisible à la guitare sèche, accompagnée à l'orgue, et embarquant au fur et à mesure toutes sortes d'instruments à corde et à vent, avant l'intervention de vocalistes. Une nouvelle montée en volume permet ensuite d'introduire une seconde partie nettement plus dynamique et moderne (que l'on retrouve d'ailleurs en général sur les compilations). Celle-ci se présente tout d'abord sous la forme d'un air anodin, soutenu par un orgue à la rythmique saccadée, et débouchant sur un gigantesque chorus de guitares saturées superposées les unes aux autres (selon les sources, entre 50 et 90 !). 6 minutes dantesques d'un thème répétitif à souhait, que l'on trouvera (au choix) grandiose ou totalement rébarbatif. Après ce déluge auditif, une pause acoustique à la guitare permet à l'album de retrouver son caractère champêtre, avec un final accompagné par un orchestre à cordes, la musique s'achevant à la manière d'une boite à musique arrivée au bout de son mécanisme à ressort.
Peut-être moins immédiate que dans Tubular Bells et demandant plus d'attention, la musique d'Hergest Ridge n'en reste pas moins de toute beauté, déroulant calmement ses atmosphères et instaurant un climat propice à la rêverie, sans toutefois installer l'auditeur dans la torpeur grâce la deuxième partie se chargeant de réveiller les étourdis ! Après le succès phénoménal de son premier album, Mike Oldfield a réussi la gageure de continuer son incroyable parcours en évitant le piège de la redite, et ajoutant une deuxième pépite indispensable à son œuvre.