Après l'accouchement plus que compliqué d'Ommadawn, et toujours plongé dans la terrible dépression qui l'accompagne depuis le succès de Tubular Bells, Mike Oldfield se remet au travail et va une nouvelle fois déconcerter sa maison de disques et Richard Branson, en pondant une œuvre totalement anti-commerciale, couvrant 2 vinyles de l'époque. Découpées en 4 parties, ces Incantationsvont se révéler quelque peu indigestes au premier abord, Mike Oldfield prenant son temps en allongeant de manière parfois démesurée des thèmes rappelant pourtant dans la forme Ommadawn et Hergest Ridge.
Dans un climat général apaisé et d'apparence sereine, la première partie voit l'orchestre tenir le premier plan, les mélodies étant portées par la flûte ou la trompette, déroulant des thèmes pastoraux évoquant la campagne et le petit val au fond duquel coule une rivière. Quelques percussions et tambours cristallins viennent saupoudrer l'ensemble, tandis que les interventions de guitare du maître se font plutôt rares. Après 9 minutes pour le moins bucoliques, les instruments modernes reprennent le dessus, avec l'apparition des synthétiseurs et surtout de chœurs féminins qui marqueront la différence d'Incantations par rapport à ses prédécesseurs. Le premier thème reviendra enfin boucler cette première partie, qui se conclut toutefois en "eau de boudin".
La deuxième partie poursuit dans la même lignée, avec des arabesques de flûte et synthétiseurs en introduction, étirant jusqu'à plus soif son premier thème qui se termine de manière quasi évanescente. Puis, soutenu par des percussions aux accents tribaux, le vibraphone prend le relais et vient porter en beauté une mélodie chantée (là encore, une première dans l'œuvre de Mike Oldfield) par Sally Oldfield.
A mi-chemin de ce nouvel album, l'impression reste mitigée, partagée entre sonorités et thèmes magnifiques, mais un peu trop étirés en longueur, ce que la version ramassée plus dynamique proposée dans la tournée qui s'ensuivra, et que l'on retrouve sur le double Exposed, viendra corriger.
La troisième partie présente quant à elle une lignée plus dynamique, avec une guitare enjouée bien plus présente, assurant la majorité des mélodies et des soli, avec des montées et descentes de manche qui renvoient inévitablement à Ommadawn. Le vibraphone est toujours bien présent, donnant un parfait contrepoint aux sonorités électriques à la limite de la saturation délivrées par Mike Oldfield. La longue montée en puissance de cette plage est tout bonnement jubilatoire, avec un final symphonique qui rappelle les meilleurs moments d'Hergest Ridge.
Après cette avalanche de sonorités superposées, la quatrième partie redémarre en douceur, avant d'introduire un nouveau long thème répétitif au vibraphone, sur lequel finit par se poser la guitare qui entame alors une nouvelle montée en puissance, entraînant dans son sillage tout l'orchestre qui finit par fusionner à merveille avec les instruments modernes. Puis, une subite rupture annonce le dernier thème, toujours porté par le vibraphone sur lequel viennent se poser une dernière mélodie chantée, qui donnera des frissons à nombre d'auditeurs, rythmée par les coups de tambourins qui deviendront très caractéristiques dans les albums futurs de Mike Oldfield.
Parfaite synthèse de ses deux albums précédents, Incantations est une œuvre qu'il faut prendre le temps d'apprécier sur la durée. En-dehors des quelques longueurs relevées sur les 2 premières parties, nous sommes une nouvelle fois en face d'un véritable petit bijou de musicalité et d'orchestration, malheureusement pas toujours reconnu à sa juste valeur par les fans de Mike Oldfield.