Dans la série des Cloches Tubulaires si chères au père enchanteur des premières d'entre elles en 1973, je voudrais la première déclinaison, parue seulement deux ans après l'originale, et dont le line-up prend, 33 ans plus tard, une drôle de résonance tant le mimétisme avec la dernière production de notre homme à tout faire (Music Of The Spheres) s'avère troublant : The Royal Philarmonic Orchestra conducted by David Bedford, with Mike Oldfield on guitar. De guitare, l'artiste n'en joue finalement que très peu dans cette version : quelques interventions classiques de ci de là, et un solo électrique intimiste poignant en fin de part II. C'est donc ici des talents du compositeur qu'il convient de disserter, mais surtout des arrangements orchestraux effectués par David Bedford. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que le résultat n'est pas des plus convaincant.
Certes, les mélodies sont plutôt fidèles à la version originale, et les arrangements pour grand orchestre, plutôt que de reproduire plus ou moins fidèlement les harmonies originales, tentent de donner une nouvelle couleur à l'ensemble. Seules les timbales qui viennent rythmer les parties les plus dynamiques apportent un air de déjà vu. En revanche, là où le bât blesse, c'est dans l'impression générale de lourdeur dégagée par l'orchestre. Tout d'abord, les tempi sont généralement plus lents que dans TB 1.0 (d'où une durée allongée des deux parties de l'œuvre). Et surtout, si les cordes aiguës s'avèrent plutôt sautillantes, la performance des basses (contrebasse + violoncelles) s'apparente à la troupe d'Hannibal franchissant les Alpes. Et quand les cuivres s'en mêlent, la sauce devient particulièrement indigeste. Impossible alors de s'enthousiasmer par exemple sur un "Sailor's Hornpipe" où les différents instruments (violons, flûte, clarinette …) appelés à remplacer le frétillant banjo original se voient étouffés par un accompagnement totalement lourdingue, à peine rehaussé par les timbales en furie qui viennent clôturer la galette.
Un autre point désagréable est constitué par les variations extrêmes de volume entre la majeure partie des plages, distillée dans une tonalité d'ensemble très sombre et de façon plus qu'intimiste, et des chorus fortissimo qui obligent à baisser le potentiomètre de la platine, sous peine de se faire exploser les tympans.
Enfin, il est également de bon ton de noter l'absence sur cette version … des cloches tubulaires !
Parue très peu de temps après la sortie du master original, cet "Orchestral Tubular Bells" souffre en fait d'un manque de recul évident par rapport à son modèle. Bien que mettant en valeur le caractère symphonique des compositions de l'époque de Mike Oldfield, son élaboration semble avoir été quelque peu bâclée, vraisemblablement pour pouvoir surfer sur le sommet de la déferlante tubulaire. Cet album se révélera pourtant un échec commercial retentissant, sabordant du coup la sortie d'"Hergest Ridge" façon orchestral, réalisé à la même époque avec la même équipe, et dont la version (non aboutie) trouvable aujourd'hui sur le net s'avère pourtant bien supérieure à celle de "Tubular Bells".