Moi, j’aime bien les tributes. J’espère toujours l’interprétation décalée, inventive et fidèle à l’esprit, la réorchestration originale, la production améliorée qui fait chaud aux oreilles, bref, les "plus" pas si petits que ça qui font qu’un artiste (ou un groupe) marque intelligemment de son empreinte une œuvre généralement mythique (les tributes s’adressent rarement à des morceaux inconnus ! ).
J’aime bien les tributes, mais c’est un exercice à haut risque : la plupart du temps, leur écoute donne au plus envie de se replonger dans les originaux, les nouvelles versions apportant fort peu par rapport au souvenir forcément marquant que l’auditeur a gardé en mémoire. Et plus le groupe d’origine est mythique, plus le risque est grand.
Il faut donc saluer l’audace de Jeremy Morris, qui, au milieu d’une production personnelle pléthorique plutôt axée sur le rock progressif (11 albums sur les 5 dernières années … ), se lance dans la réinterprétation de standards des Beatles. Les titres concernés sont extraits d’albums du milieu de la production des Fab’ Four, entre juillet 64 et janvier 69 – donc de l’album Hard Day’s Night à Yellow Submarine), auxquels s’ajoutent It Don’t Come Easy, single sorti par Ringo Starr en 1971, et deux titres « personnels » : Love, et Revolution#7.
Il y a des élements assez bien calés dans ce Yesterday, Today and Forever : les harmonies chorales, fidèlement reproduites. D’une façon générale, les vocaux sont bien placés, le timbre de Jeremy se rapprochant de celui de John Lennon. Quelques (rares) réarrangements réussissent à se décalquer de l’original en proposant une relecture intéressante (la reprise de Tomorrow Never Knows).
Hélas, la plupart des titres souffrent de défauts nombreux, variés et marquants. Le plus commun consiste à reproduire de très près la VO, ce qui n’apporte évidemment rien à l’auditeur : Strawberry Fields, Nowhere Man et It Don’t Come Easy sont des rééditions qui passent totalement inaperçues. Il y a aussi des lenteurs dans beaucoup de morceaux : I Will, encore plus soporifique que l’original, et Blackbird, lénifiant . Des rajouts inutiles dans l’orchestration, qui gomment souvent le caractère aérien du morceau (Norwegian Wood, Here, There and Everywhere, Hide Your Love Away). Des erreurs d’arrangement : par exemple, la suppression des percussions dans Long, Long, Long fait perdre tout son charme à la composition d’Harrison ; George est d’ailleurs bien mal servi avec la relecture de It’s All Too Much éliminant tout le dynamisme initial et nous infligeant un instrumental trompetteux ou Penny Lane, totalement ridicule. Une production à la limite du confus qui noie les arrangements (quand on pense que les Beatles étaient particulièrement pointilleux à ce sujet …) comme dans I’m Happy Just to Dance With you. S'ajoutent à celà des contresens d’interprétation comme jouer Good Night sous forme d’un rock (mou, en plus !). Good Night est une berceuse, puisque les paroles donnent : "… sleep tight, dream sweet dreams for me …". Et la reprise n’arrange rien avec l'absence de la batterie et l'ajout d'un petit solo Bontempi d’anthologie, bien ringard.
Donc , j'aime bien les tributes, mais arrêtons là l’énumération : Yesterday … est un exercice qui rend bien mal justice aux Fab’ Four, et qui ne restera pas Forever dans les mémoires.