Alors que l'on reproche trop souvent, et pas toujours à tort, aux musiciens classiques de rester confinés dans leur domaine de prédilection, certains d'entre eux tentent régulièrement une incursion dans des styles dans lesquels on ne les attend pas. Neil Campbell est de ceux-là et convie pour l'occasion un collectif de connaissances qu'il invite à participer à l'expérience.
A la manière d'un After Crying, référence qui me vient le plus facilement à l'esprit, Neil Campbell mêle donc les instruments coutumiers du rock et les instruments classiques, avec une prédilection pour les sonorités douces et feutrées du violoncelle, ce qui le différencie justement des hongrois sus-cités qui ne sont pas contre l'utilisation parfois pompeuse de cuivres tonitruants.
Ici, même si certains rythmes sont travaillés et ne permettent pas le repos des sens, l'oreille n'est cependant jamais agressées par des guitares distordues ou des envolées wagneriennes. Non, le propos est à des compositions essentiellement instrumentales dans lesquelles sont saupoudrées des interventions parcimonieuses du chant et des possibilités de l'électronique.
L'ensemble donne donc l'impression du travail d'un musicien qui, frustré par les carcans que lui a peut-être imposé son éducation, s'est enfermé dans son laboratoire et a décidé, à l'abri des regards, de laisser aller son esprit en-dehors des sentiers qui lui ont été tracés, tout en utilisant ses connaissances académiques.
L'académisme donne le thème de "The Line", morceau à la mélodie sans surprise portée par un violoncelle omniprésent ou une guitare à la sonorité qui rappellera les concerti pour guitare de Vivaldi, ce qui ne nous rajeunit pas. L'évasion vers les musiques modernes donne la seconde partie du même morceau, suite à un break tout en douceur amenant une voix qui rappellera le chant ténébreux d'un Dead Can Dance.
Mais dans son laboratoire, monsieur Campbell, tel un savant fou, a également provoqué des mélanges bizarres aux effets réjouissants, à peine contrôlés semble-t-il et d'où sont sorties ces "More Particles" entêtantes que ne renierait pas un certain Robert Fripp. De ce même laboratoire est sorti "The List", morceau oscillant entre la mélancolie dispensée par ces cordes omniprésentes et les frissons que vous donneront des sons tous droits sortis de la bande originale d'un film fantastique, avant d'enchaîner sur un langoureux "Angels And Aeroplanes" à la voix à peine maîtrisée, mais admirablement en cohésion avec l'esprit du morceau, puis aidée par une Victoria Melia remarquable à la fois de précision et de discrétion.
L'ensemble semble donc parfait mais j'avoue pour ma part avoir relevé quelques défauts qui seront gênants sur la durée. Tout d'abord, la production est assez plate et manque à mon sens de chaleur. Il s'en dégage un sentiment d'assister à quelque chose plutôt que d'être emmené dans un univers sonore comme cela arrive avec quelques productions qui donnent l'impression d'une "immersion dans la musique". De plus, certains compositions ne tiennent pas sur la longueur, en particulier les deux morceaux titres "Particle Theory", 1 et 2, qui ouvrent et clôturent l'album. Directement accessibles à la première écoute, elles ont le défaut que ce type de composition a beaucoup trop souvent, à savoir une durée de vie courte du fait de l'absence d'éléments remarquables dans leur construction (et ce n'est pas l'existence de quelques breaks qui va me faire penser le contraire).
Bel objet donc que ce Particle Theory, et belle découverte que cette formation. Je la suivrai avec intérêt, certes, tout en m'abstenant de crier au génie.