Pas facile de trouver des informations sur le groupe ‘Talisma’… Heureusement que MusicWaves est la source Number One pour tout ce qui concerne la musique progressive : j’y découvre donc les chroniques des deux précédents opus du groupe, édités en 2003 et 2005. J’y apprends aussi que ce groupe est un trio canadien, mais le line-up semble avoir évolué pour cette dernière production avec la participation de nouveaux intervenants (permanents ou pas, la question reste entière), dont une chanteuse. Malgré cette récente évolution à géométrie variable du groupe, le maître à penser, semble être le bassiste Donald Fleurent.
En général, quand le leader d’un groupe est bassiste, ça s’entend assez rapidement au niveau de la production et de la mise en avant mélodique de ses cordes épaisses. C’est effectivement le cas pour ce ‘Quelque Part’ qui développe un rock progressif de bonne facture. Le propos est d’ailleurs à dominante instrumentale : s’il n’y avait pas deux titres pour nous présenter l’organe vocal de Florence Bélanger, l’album serait purement instrumental. L’intégration de la voix est de plus assez particulière. Dans ‘Iseult’, l’incursion vocale prend des accents world/jazzy et il est très difficile de savoir quelle est la langue utilisée tant la voix sert plutôt à créer une nappe musicale. Dans ‘Quelque Part’, le chant est plus mélancolique, plus construit, magnifiquement relevé par de beaux arrangements acoustiques et la voix semble utiliser le français cette fois-ci.
C’est bien dans l’instrumental que le groupe s’exprime le mieux, et dans ce registre il est possible d’y distinguer deux orientations. La première est électrique, axée sur des sonorités vintages rappelant un bon ‘Kaipa’, un ‘Flower Kings’, un ‘Ritual’ ou un ‘King Crimson’. La deuxième orientation est davantage acoustique, lorgnant vers les couleurs jazzy. Les membres du groupe sont de parfaits instrumentistes : la basse complète les autres instruments à l’unisson comme dans ‘Basse de Fou’, les solos de guitare sont parfois fuzzant comme dans ‘Ibliss’, les parties acoustiques sont à la fois techniques et aériennes comme dans ‘Iseult’ ou aux accents manouches comme dans ‘Modale’, les rythmiques de batterie sont dynamiques comme dans ‘Od’…
Du fait que le groupe maîtrise si bien le propos instrumental, il en découle une certaine maladresse dans l’intégration du chant. En effet, ‘Iseult’ donne l’impression d’un titre acoustique instrumental sur lequel on aurait ajouté une voix au dernier moment : le mariage prend assez mal, l’un ne sert pas l’autre (sauf sur une partie de la fin du titre où la partie instrumentale, plus aérienne, s’avère plus en accord avec le chant)… Sur ‘Quelque Part’, cet effet est gommé car le titre est plus mélancolique et mieux construit.
Retenons plus particulièrement ‘l’Aube’, titre se révélant comme un véritable concentré d’ingrédients purement prog : sonorités modernes, plusieurs couches de claviers, différentes ambiances, une basse en avant, des arrangements alambiqués, des solos aériens… Vraiment très bon ! Dans le registre acoustique, ‘Modale’ est vraiment excellent avec ses orientations brésiliennes, jazzy, sa basse remarquablement appuyée et ses arpèges développant de très beaux passages aériens. Quant au titre final ‘Cassiopeia’, d’une durée de neuf minutes, il se décompose en trois parties, la deuxième étant une sorte de titre caché intégré entre deux parties acoustiques. Ces dernières sont magnifiques et nous proposent un joli voyage dans les étoiles avec des ambiances portées par une basse flottante et une flûte poignante.
Avec cet album, ‘Talisma’ nous emmène bien quelque part, plus ou moins loin, plus ou moins haut, cela en fonction de la capacité des titres à nous faire décoller. On retiendra du groupe, sa grande maîtrise instrumentale mais aussi une certaine difficulté à mélanger les genres notamment au niveau de l'intégration du chant. Améliorer ce point parait ainsi indispensable pour que Talisma puisse se placer comme un incontournable de la scène progressive.