Imaginez le décor ! Vous êtes le leader d’un excellent groupe de hard-rock mélodique et vous avez déjà sortie deux albums d’un niveau plus qu’acceptable, en particulier le second et très bon « Wings Of Tomorrow ». Malheureusement, ces opus sont passés quasiment inaperçus au yeux du grand public. Et puis, alors que vous sortez votre troisième album, auquel vous avez apporté une bonne dose de FM, le single éponyme écrase tout sur son passage, en particulier grâce à ses quelques notes de claviers qui obsèdent quiconque les a entendues. Après un tel succès qui a fait de vous une vedette internationale, au point que vous soyez présenté comme le Bon Jovi européen, arrive le moment de sortir votre nouvel album. Quel choix faites-vous ? Retourner au hard mélodique de vos débuts ou tenter de doubler la mise pour confirmer votre nouveau statut de célébrité ? Soyez honnête ! Vous ne tuez pas la poule au œufs d’or, n’est-ce pas !
En tout cas, Joey Tempest, leader et frontman d’Europe ne se pose pas longtemps la question après le monstrueux succès de « The Final Countdown ». Devant ce choix, John Norum préfère quitter le navire plutôt que de vendre son âme aux sirènes commerciales, et c’est Kee Marcello qui est recruté au poste de guitariste du quintet suédois. Sa technique est irréprochable et correspond parfaitement à la nouvelle direction musicale à forte connotation FM. Il doit cependant composer avec la montée en puissance des claviers d’un Mic Michaeli dont les accords d’introduction du titre « The Final Countdown » ont fait une pièce incontournable de l’image du groupe.
Ces modifications ne sont pas les seules concessions faites par Tempest et sa bande aux exigences radiophoniques incontournables dans la recherche du succès à tout prix. La grande majorité des titres sont calibrés aux environs des 4 minutes et Joey Tempest a policé son chant pour éviter qu’il ne soit trop agressif. Le problème, c’est que, si chaque titre tient la route pris individuellement, l’ensemble manque de relief et de sincérité. Nous nous retrouvons donc à relâcher notre attention, quand nous ne finissons pas par être exaspérés par les cris, yé yé et wohouho en tout genre, poussés par Joey Tempest sur l’introduction de la quasi-totalité des titres.
Il est d’ailleurs intéressant de constater que les 3 meilleurs titres de l’album sont ceux où le grand blond permanenté nous épargne ce type d’intervention. Le single « Superstitious » débute par une introduction à capella du meilleur effet et débouche sur un riff dynamique et un refrain percutant. « Just The Beginning » démarre sur un riff de claviers hyper efficace, et est doublé d’un refrain entêtant. Enfin, « Tomorrow » qui vient clôturer l’album, est une ballade toute en sensibilité où le piano et quelques arrangements de cordes ont un effet immédiat et émouvant.
N’allez pas en conclure que les 9 titres restant sont à jeter à la poubelle, même si tous souffrent des envahissant gémissements introductifs du leader charismatique scandinave. Au contraire, il est regrettable que les excellents riffs d’un « Let The Good Times Rock » ou de « More Than Meet The Eyes », que les tempos lourds de « Sign Of The Times » ou de « Light And Shadows », ou enfin que les percutants « Ready Or Not » et « Never Say Die », se retrouvent tous plombés par l’atmosphère générale d’un album qui n’a pas su rendre plus discrètes ses intentions mercantiles.
La déception est donc le sentiment qui domine à l’écoute de ce « Out Of This World » et il faudra aux 5 suédois, un net regain de spontanéité et d’authenticité pour pouvoir espérer nous reconquérir lors de leur prochain album.