‘Triple FX’, comme le nom l’indique en partie, est un trio. Ce qu’il indique moins c’est que c’est un trio instrumental français de haute voltige mené par la six cordes d’un certain Pascal Vigné. Les apprentis guitaristes qui ont l’habitude de consulter les magazines spécialisés, sur papier ou en ligne, auront déjà eu l’occasion de se casser les doigts sur certains de ses exercices pédagogiques. En effet, Pascal Vigné est intervenant sur différents médias en plus d’être professeur à la célèbre M.A.I. de Nancy.
Mais alors, qui sont les deux autres compères qui officient à ses côtés ? A la quatre cordes, on reconnaîtra un autre Pascal, Mulot de son nom. Là aussi, ce nom parlera à tous ceux qui s’intéressent de près à la sphère instrumentale hexagonale : Pascal Mulot s’est notamment illustré en assurant la section rythmique de Patrick Rondat en parallèle de la production de quelques albums en solo, d’autres en collaboration, ainsi que des vidéos pédagogiques (la technique du slap, c’est lui). Derrière les fûts, c’est un certain Gaël Feret qui gigote les bras et les jambes. Ce dernier fait plutôt dans le métal extrême habituellement puisqu’il est tout simplement le batteur du groupe ‘Misanthrope’ : force est de constater qu’il est capable de jouer un répertoire très éclectique avec un jeu très subtil, à l’opposé de ce qui se fait dans son registre habituel (mais la double pédale n’est pas loin).
‘II’, comme son nom l’indique si bien, est le second album de la formation, formation qui a subi un petit (mais costaud) changement de line-up en cours de route puisque Pascal Mulot est arrivé entre le premier album (‘Extremely Instrumental’ en 2004) et le second.
Armé de sa fidèle Vigier, Pascal Vigné nous donne d’entrée de jeu une folle envie de secouer la tête et battre du pied avec un très bon riff qui balance bien ! En effet, avec ‘Plastic Robot’, on ressent immédiatement une bonne dose d’énergie, un super jeu de groupe, une mise en place du tonnerre, un groove épais, une méga section rythmique. Les breaks s’enchaînent les uns aux autres, alternant les ambiances et les phrasés. Chaque titre a sa petite histoire, son anecdote, comme le présente très sobrement mais efficacement le booklet. On y découvre ainsi que l’univers de Pascal est habité par des poulets (ah, c’est qu’il aime le poulet… il lui rend d’ailleurs hommage dans deux titres…), des danseuses de flamenco, on y joue de la polka, on y croise des sous-marins pilotés à la vitesse de la lumière par des robots en plastique sur la musique du générique de Benny Hill… Pas tranquille ce Pascal ;-)
A l’écoute prolongée de l’ensemble de l’album, plusieurs couleurs se distinguent au milieu de ce mélange hyper riche : la couleur Rock avec ‘Plastic Robot’, ‘Octobre Rouge’ ou ‘Why Not’ (avec l’utilisation contrôlée de la Whammy), la couleur funky très marquée avec ‘118 Steps’ et sa rythmique utilisant l’autowah, le côté un peu déconnant et folklorique au travers de ‘Poy Poy’, ‘Chicken Race’ ou bien ‘One Legged Chicken’. Le touché acoustique n’est pas en reste avec ‘Spanish Night’ et ‘On my Way Home’ (titre qui se décompose en trois sous-titres à la manière de chansons cachées) et n’oublions pas le blues avec ce sympathique ‘Smooth Blues’… et de manière omniprésente, c’est le groove et la maîtrise instrumentale qui transpirent régulièrement.
C’est donc une musique instrumentale survitaminée qui carbure au mélange que nous propose ce trio : funk, rock, shred, métal, blues, fusion, acoustique… Tout y passe et on retient plus particulièrement ce groove de folie (écoutez l’album avec un système qui flatte les basses et vous ne serez pas déçu), cette mise en place terrible, cette maîtrise technique imparable et un certain sens de l’humour mélodique (à la façon d’un ‘Godin’, d’un ‘Ron Thal’ ou d’un ‘Mattias Eklundh’). Tout cela est servi par une très bonne production, les instruments sont tous parfaitement audibles et l'auditeur bénéficie d’une sympathique proximité avec eux.
En ce qui concerne les défauts, seront reprochés les travers suivants : une certaine sensation de « collage » de plans et de breaks. S’en suit parfois l'impression que certains titres ne suivent pas une histoire (histoire au sens musical du terme) et qu'il manque parfois un fil conducteur au milieu de tout ce déballage technique. C’est notamment le cas du titre ‘Octobre Rouge’ où plusieurs parties se succèdent en donnant cette impression de phrasés shred collés bout à bout… Mais attention, celà reste très bien fait !!!
Un autre écueil réside dans certaines influences qui débordent tout particulièrement celle de Satriani (oui, difficile de parler guitare sans parler de Satriani) : Le titre ‘Faith in You’ transpire le ‘Always with me, always with you’ de Satriani. Du coup, ce morceau est un peu surfait et en dessous du reste de l’album même si il ne faut pas renier ses origines.
Malgré ces très petits défauts, cette galette recèle de très bons ingrédients : ce groupe est sur la bonne voie et la relève de la scène guitaristique française semble assurée avec ce genre de productions (cocorico !)… Soulignons que cet album est une autoproduction et est en vente sur le website du groupe, ainsi que dans toutes les FNAC et VIRGIN depuis peu. Dans l’attente de les croiser sur scène dans vos contrées (apparemment, c’est pas si facile de monter des dates !!! Ah, s’il suffisait d’avoir du talent pour avoir du succès, tout serait plus simple), si vous aimez la guitare qui va bien avec une juste dose de shred, si vous aimez la basse qui groove comme il faut et si vous aimez la batterie affûtée avec une mise en place impeccable, alors procurez-vous rapidement cet album !