Rien qu’en lisant le track-listing, 5 titres pour 55 minutes, l’auditeur perspicace comprendra qu’il sera lentement mangé à l’épaisse sauce doom, genre qu’affectionnent les Irlandais de Mourning Beloveth déjà auteurs de 3 albums dédiés à ce genre musical faisant le délicieux malheur des amateurs de sensations lourdes sur mesures étirées et rythmes mamouthesques !
4ème album donc et savoir-faire avéré pour cette valeur montante, et presque sure, d’une scène qui supporte difficilement la médiocrité. A l’aise avec son triste sujet, le groupe fait preuve d’un indéniable talent lorsqu’il s’agit de composer ces riffs aux mélodies tragiques que l’on aimerait s’infliger en boucle des heures durant, des riffs qui vous attrapent les tripes et vous plongent instantanément dans une confortable mélancolie.
Malheureusement les Irlandais se prennent trop souvent au jeu du doom death, genre ô combien difficile, toujours sur le fil, dont le principal ennemi est l’ennui. Cet ennui qui marque des points quand les morceaux s’étirent trop en longueur, en marque encore quand le groupe se contente de proposer durant de longues secondes un simple mur rythmique qu’aucun ornement ne vient habiller, trop lisse pour produire chez l’auditeur un effet qu’il attend désespérément.
La production lourde, massive, peut aider l’illusion à faire son œuvre quand l’aura brumeuse perd de sa superbe mais la mystification est malheureusement de courte durée, la forme ne sauvera jamais le fond. Ainsi le second morceau, plutôt que d’enfoncer le clou dans une plaie qui ne demandait qu’à s’ouvrir, vient réduire à peu de choses le superbe travail de sape effectué sur un « Quintessence » extrêmement puissant et saisissant. Tout le problème est là, l’intensité émotionnelle, composante essentielle du style, se perd trop souvent dans des développements parfois poussifs ayant tendance à ruiner l’ambiance et à gâcher des moments simplement sublimes. Sublimes car Mourning Beloveth sait être passionnant, (l’épique « The Burning Man » et ses magnifiques entrelacs de guitare), mais ne parvient pas à le rester sur la longueur d’un morceau et encore moins durant les 55 minutes de l’album qui peuvent sembler longues dès que l’atmosphère désenchantée qui sied pourtant si bien aux compositions du groupe s’efface derrière une musique plus directe, plus métallique et moins arrangée.
Difficile de ne pas évoquer My Dying Bride ici tant l’ombre triste des Anglais plane sur cet album dont certaines harmonies caractéristiques nous sont déjà familières depuis des années. Sans parler de plagiat éhonté, la filiation est flagrante et peut parfois être gênante tellement elle est évidente. Mais contrairement à son célèbre maître qui proposait des albums d’une qualité insolente de la première à la dernière seconde, Mourning Beloveth nous laisse entrevoir des merveilles, nous permet de goûter à l’excellence mais n’hésite pas à nous servir du moyen de gamme quand l’inspiration, au fil des mesures, se fait plus discrète. Dommage.
«A Disease For The Ages » est un album frustrant que l’on aimerait pouvoir aimer plus, l’œuvre imparfaite d’un groupe qui approche les ténèbres, les enlace parfois, mais n’a pas encore osé plonger corps et âme dans un spleen total. Rêvons d'une suite qui remonte du fond des abîmes...