1977, en pleine vague punk "no future", mais aussi en période de belle gadoue économique, UFO sort le bien nommé « Lights Out ». Il s'agit déjà du sixième album studio de nos extra-terrestres préférés, et la progression entamée avec l’arrivée de Michael Schenker sur « Phenomenon » et celle d’un clavier permanent sur « No Heavy Petting », se poursuit avec l’enregistrement de plusieurs titres avec orchestre. Exit le gentil Dany Peyronel, bienvenue à l’ex-Savoy Brown, Paul Raymond. Celui-ci a surtout été remarqué par Pete Way pour sa flexibilité à savoir manier, en plus des claviers, un manche de guitare de temps en temps. Paul Raymond sera un plus indéniable à la formation car il cumule aussi les talents de compositeur (même s’il ne sera pas crédité sur "Light Out"), et pourra même assurer certaines parties de chant (comme sur « Alone Again Or ») .
« Lights Out » est considéré à juste titre, comme un (si pas le) sommet de la carrière de UFO, tant au point de vue des critiques que du succès populaire. C’est en effet le LP qui va leur ouvrir les portes du succès aux States. Et ce n’est pas étonnant, car il regorge de compositions accrocheuses et profondes à la fois. Plus qu’à la composition d’un album de hard rock mélodique, c’est à un vrai travail d’orfèvre et d’équilibriste que le quintet s’est attelé. Il n’y a pas deux titres identiques, tous ont leur personnalité et proposent une facette différente du hard rock.
Le bal s’ouvre avec « Too Hot To Handle », un boogie rock aux riffs et soli bien ficelés, aux nombreux breaks et à la basse ronronnante, idéal pour chauffer la salle. C’est le premier titre, et c'est déjà un classique. La tension monte d’un cran avec une composition fabuleuse de Phil Mogg, « Just Another Suicide ». C’est là qu’apparaissent les premières notes jouées par Paul Raymond et aussi les premières cordes distillées avec justesse. C’est une gourmandise, pas spécialement hard, à la structure et à la mélodie complexe mais mémorable en diable. Tous les instruments sont d’une justesse diabolique, les soli de Schenker sont bien mis en valeur, et la basse est toujours incroyable.
Petite pause avec « Try Me », où les cordes sont mises en avant, sans être trop envahissantes. La voix de Mogg, belle et plaintive tente de nous attendrir, mais c’est finalement Schenker qui nous arrachera quelques larmes, avec un solo d’anthologie. À peine le temps de les sécher, et c’est « Lights Out » ! Fini de pleurer, ni même de rire, " no more nice time"; une odeur suffocante d’anarchie nous envahit, sans doute, une odeur pénétrante de métal en fusion nous dévaste, très certainement. Le rouleau compresseur ne s’arrêtera que quand il aura accouché de ce grand classique de UFO, non, du rock, tout simplement.
Knock Out après « Ligths Out », nous avons bien besoin des deux pépites de hard mélodique ciselées qui suivent pour nous remettre en selle. C’est le très entraînant « Gettin’ Ready » qui ouvre la seconde face (nous sommes au temps du vinyl), suivi par la reprise tourbillonnante du groupe psychédélique Love, « Alone Again Or », avec orchestre à cordes et à vent. Du superbe Pop-Hard !
L’œuvre se termine sur deux pièces majeures, « Electric Phase » et « Love To Love ». La première développe une rythmique hypnotique, aux guitares écorchées et aux claviers torturés. Un morceau sous-estimé de UFO et dont je ne connais hélas pas de version Live. Et puis, il y a ce « Love To Love », et que dire de « Love To Love » ? C’est un monument d’émotion, construit par paliers d'intensité, comme un scénario désespéré de road-movie. Pas un des musiciens ne tire la couverture à lui, tous sont mis à l’avant-plan par la production de Ron Nevison (encore cette basse !), tous sont simplement au service de la musique. Et le soutien apporté par l’orchestre qui ventile justement quelques notes classiques, en amplifie encore la puissance, en allonge encore l'envergure. Deep Purple avait son « Child In Time », Uriah Heep son « July Morning », Led Zeppelin son « Stairway To Heaven », UFO aura dorénavant son « Love To Love ».
Avec « Lights Out », et en faisant preuve d’un bel éclectisme, UFO donnera au Hard Rock quelques-unes des ses plus belles lettres de noblesse. Respect !