Fort du succès de "Salisbury", Uriah Heep prend un virage assez net sur son troisième album, avec un retour à une musique plus lourde et plus ancrée dans le hard rock mais intégrant des éléments progressifs apparus sur le précédent album.
Le morceau éponyme, en ouverture, préfigure le hard rock rapide et linéaire de "Highway Star" de Deep Purple qui ne sortira que l'année suivante, avec, en plus des chœurs aigus et majestueux, le Hammond B3 qui ressemble à s'y méprendre à celui de Jon Lord (où est-ce l'inverse ?!), un solo déchaîné de Mick Box, toujours adepte de la pédale wah wah et les trois percussionnistes d'Osibisa qui ajoutent au maelström sonore de la fin !
Si "I Wanna Be Free" et le final "Love Machine" sont des brûlots hard rock relativement basiques, il n'en va pas de même pour le reste, à commencer par le célébrissime "July Morning" de plus de 10 minutes. Certain y verront peut-être une sorte de "Child In Time" de Deep Purple bien que la structure soit différente. Evidemment David Byron y va des vocalises suraiguës comme Ian Gillan. Les chœurs fournis par Ken Hensley font aussi une large différence et c'est Manfred Mann qui vient renforcer le groupe avec ses soli de Moog sur ce morceau.
"Tears In My Eyes" voit encore la participation de Mann au Moog et Hensley se met à la slide guitar pour seconder Box, sur ce titre hard rapide, empreint d'urgence, entraînant et très mélodique, avec des changements de tempo et notamment un break acoustique au milieu. Le long "Shadows Of Grief" est ouvertement plus progressif, avec plusieurs parties, certaines assez rapides, d'autres plus lourdes avec une section centrale où l'orgue de Hensley et les vocaux évoquent vaguement le Pink Floyd psychédélique. Enfin, "What Should Be Done" est une belle ballade entre blues et jazz, dans laquelle dominent le piano et l'orgue, fort sympathique autant qu'inattendue, et dans laquelle la voix suave et sensible de Byron fait merveille.
La seconde édition remastérisée par Robert M. Corich et Mike Brown comporte pas moins de 7 morceaux bonus avec notamment la plus longue version du morceau rare "Why" qui atteint plus de 11 minutes ou la superbe ballade inédite à la guitare acoustique "What's Within My Heart". Mais ce qui frappe le plus sur ce remaster est toujours la qualité du son, exceptionnel de réalisme et de profondeur, la clarté, la puissance et le sens du détail, tout cela sans altération du son des instruments. Et le livret est un des plus intéressants et des plus complets qui soient. Ce sont évidemment toujours ces versions encore bien améliorées par rapport à la première série de remasters de 1996 qu'il faut posséder à tout prix ! "Look At Yourself" sera le dernier album avec le bassiste Paul Newton et le seul avec Ian Clarke à la batterie qui co-signera quand même avec Ken Hensley le célèbre "The Wizard" ouvrant "Demons And Wizards" l'année suivante.