Alors que depuis quelques années, de nombreux groupes profitent des progrès technologiques pour sortir un album peu de temps après leur création, d’autres préfèrent rester fidèles à certains principes qui veulent qu’un minimum d’expérience et de vécu se soient déjà écoulés avant qu’un combo ne grave sa première œuvre. Il n’est d’ailleurs pas surprenant de retrouver plusieurs de ces survivants dans un mouvement aussi attaché aux traditions que le blues-rock, en particulier le courant Southern. Bien qu’originaire de Pennsylvanie, The Bounty Hunter Gang officie dans ce style depuis 1995 et aura donc attendu 12 ans pour nous offrir les 14 titres de ce « Separate Roads ».
Comme le titre de son album peut l’indiquer, The Bounty Hunter Gang a cependant pris un chemin différent de la plupart des groupes Southern et s’est créé une identité propre en mâtinant son blues-rock d’intonation Westcoast qui ne sont pas sans faire penser aux célèbres Eagles. La production donne un son clair et épuré à la plupart des titres, quand le groupe n’officie pas carrément en acoustique, ce qui évoque également l’œuvre de Calvin Russell. Par contre, n’attendez pas la voix rocailleuse de ce dernier, car, même si le chant de Gary Brynok reste relativement chaud, il manque indéniablement de puissance et de profondeur. En même temps, aucune des compositions ne nécessitent ce genre d’arguments vocaux, ce qui rend le défaut tout à fait relatif.
L’ensemble est donc assez homogène et reste éloigné des accélérations hard-rock de certaines figures du mouvement Southern. Le maximum en la matière est atteint par un « Lose Your Name » où le riff en harmonies des 2 guitares renvoie à certains titres de Lynyrd Skynyrd ou de Molly Hatchet, sans pour autant provoquer de monter d’adrénaline supérieur à un simple battement de pied. Le dernier groupe cité vient aussi à l’esprit lors d’une accélération dont il est le spécialiste, en milieu du titre éponyme qui oeuvrait jusque là dans un blues-rock à tendance ballade. Cependant, si Molly Hatchet est réputé pour les duels incisifs de guitares caractérisant ce genre de cavalcades, le solo de Chris Davies, comme l’ensemble de ses interventions, reste bien sage. Au point qu’il frôle même avec la naïveté sur certains titres comme l’instrumental « Smilin’ ».
N’allez pas en conclure que cet opus est d’une piètre qualité technique aussi bien qu’artistique, car il paraît évident que The Bounty Hunter Gang a délibérément choisi d’œuvrer dans la finesse et la délicatesse. La preuve en est donnée avec un « I Need To Know » aux intonations jazzy du meilleur effet, et sur lequel Davies vient nous démontrer qu’il est loin d’être maladroit. Les ballades sont également parfaitement ciselées, que cela soit un « Strong » assez traditionnel dans le genre, ou un « Slowly Now » digne de l’œuvre de Mark Knopfler.
C’est donc à un agréable voyage que le quintet nous convie. Et même s’il reste assez facile de décrocher son attention de l’enchaînement des 14 titres, ceux-ci représentent cependant la parfaite bande son d’une agréable ballade en voiture à travers les paysages verdoyants du Nord-Est des Etats-Unis.