Rarement un groupe aura fait autant étalage de problèmes internes graves, avec grand renforts de déclarations acrimonieuses. Mais nous sommes à l'ère de l'Internet, après tout. Après une sérieuse crise de conscience de Timo Tolkki en 2003, l'annonce que la majorité du groupe avait été virée par celui-ci, à commencer par Jari Kainulanen, Jorg Michael et le chanteur Timo Kotipelto au profit d'une chanteuse à l'air plus que gothique, puis un séjour de Tolkki en clinique, le groupe s'était reformé tel quel contre toute attente. Mais l'album éponyme sorti à cette période, aux accents parfois plus brutaux et moins mélodiques, n'était guère inspiré. Cette année, les deux factions (car c'est bien de cela qu'il faut parler), à savoir Tolkki d'un côté et Michael, Kotipelto et même le très neutre Jens Johansson de l'autre, ont encore échangé des paroles peu amènes.
Bien que Tolkki ait toujours été le compositeur quasi-exclusif du groupe et le seul membre d'origine, il a laissé les trois autres utiliser le nom Stratovarius et a déclaré renoncer pour toujours à toutes les royalties du groupe qui lui reviendraient… De son côté, après avoir annoncé depuis des mois un opéra rock qui n'est toujours pas sorti, il nous offre aujourd'hui un nouveau projet, qu'il a baptisé Revolution Renaissance.
En fait, la formation n'est pas définitive. D'ailleurs, on n'a pas moins de 3 chanteurs sur cet album (voir la liste des titres pour la répartition) : Tobias Sammet (Edguy, Avantasia), Michael Kiske et enfin Pasi Rantanen (Thunderforce)
Depuis l'enregistrement, Gus Monsanto (ex-Adagio) a été officiellement désigné comme le chanteur du groupe et Bruno Agra comme son batteur.
A la différence de nombreux albums de Stratovarius, le morceau le plus long de cet album ne dure que 6:10 et aucun autre ne dépasse 5:10... Bref, pas de longue suite progressive ici, juste des morceaux de taille moyenne, accessibles, qui avaient été initialement prévues pour Stratovarius (des bandes pirates circuleraient d'ailleurs sur Internet !). "New era" se révèle être un album de metal assez traditionnel et mélodique avec des claviers orchestrant l'ensemble, pas assez mis en avant d'ailleurs, et dont les sonorités auraient pu être un peu plus profondes. On reste très près de Stratovarius, avec toujours des influences nettes venant de Rainbow, Helloween et Gamma Ray. Cependant, les rythmes rapides restent sans excès, Tolkki a enfin mis un peu les délires de double pédale de côté.
Au niveau de l'interprétation, il est dommage que Michael Kiske ne chante pas tout l'album… Pasi Rantanen est un chanteur à la voix rocailleuse, pas très puissante… encore que ce soit une affaire de goûts, bien sûr. Tobias Sammet a choisi de chanter encore dans les aigus et pas du timbre le plus clair, un peu nasillard, alors qu'il est un grand fan de Michael Kiske et l'a parfois imité. C'est dommage mais là-aussi… affaire de goûts. Sammet chante deux titres rapides, aux thèmes immédiatement mémorisables.
Pasi Rantanen intervient sur un tempo moyen et deux plus lents, certains ayant des intonations orientalisantes, un style que Tolkki a exploré depuis "Elements part 1". La voix est presque seule en scène avec les synthés et la section rythmique sur le couplet de "Born Upon The Cross", qui pourra rappeler par instant "Headless Cross" de Black Sabbath. "Eden is burning" reste dans ce style, avec un contraste entre couplet calme et refrain puissant, de gros riffs orchestrés par des synthés qu'on aimerait encore plus symphoniques. Et le plus rapide "We are magic" est vraiment accrocheur.
Enfin, Michael Kiske chante deux superbes ballades (il brille particulièrement d'émotion sur "Angel"). "I did it my way" est un tempo moyen sympathique au thème assez convenu mais que le chanteur parvient à faire briller. "Last Night On Earth" est plus typé metal et assez rapide. C'est un des meilleurs moments de l'album, avec ses influences classiques, son thème immédiatement reconnaissable (mais il faut bien avouer que le schéma du couplet est assez banal). Enfin, "Revolution Renaissance", morceau basé sur un tempo moyen, avec des couplets où la guitare se fait discrète et cristalline, un pré-refrain plus grandiose, et enfin le refrain lui-même, scandé avec des chœurs, rappellera à certains l'excellent "Soul of a vagabond" sur "Elements part 1".
Côté instrumentation, les parties solistes sont exclusivement dévolues à la guitare électrique. Tolkki reste relativement concis et assez sobre malgré de belles harmonies et quelques courtes séquences brillantes ; on reste quand même un peu sur sa faim à ce niveau.
En conclusion, "New Era" n'est pas du tout révolutionnaire ni très imaginatif. Les connaisseurs de Stratovarius risquent fort de se plaindre d'une certaine redite. Si on fait abstraction des albums précédents de Stratovarius, reste qu'il s'agit d'un album fort agréable, avec quelques chansons vraiment inspirées, mais qui aurait été nettement plus cohérent si Michael Kiske en avait assuré toutes les parties vocales.