Nous sommes en l’an de grâce 1973. En quatre ans, Led Zeppelin s’est attitré tous les superlatifs grâce à quatre albums magiques qui restent la suite discographique la plus impressionnante de l’histoire du rock, voire de la musique tout court. Après une tournée magistrale en 1972 qui finira pas convaincre les plus septiques et dont "How The West Was Won" sera le tardif (mais sublime) témoignage, Led Zeppelin s’apprête à sortir son cinquième album, dernier du contrat avec Atlantic Records, qui pour la première fois de l'histoire du groupe va porter un nom.
Bien que différent de ses prédécesseurs sur bien des points, "Houses Of The Holy" n’en est pas moins la continuité logique. Riffs sauvages ('The Song Remains The Same', 'The Ocean'), douceur acoustique ('The Rain Song'), folk épique ('Over The Hills And Far Away'), rythmes dansants ('Dancing Days'), tous les éléments qui ont fait la force de Led Zeppelin sont présents ici.
Composé en tournée, ce disque est plus que jamais le résultat de différentes expériences. Il délivre un croisement de cultures incroyablement homogène. En effet tous les morceaux, qui semblent piocher leurs influences à droite à gauche, sont frappés de l’empreinte du groupe qui donne une cohérence parfaite au disque. On retrouve notamment 'D’yer Mak’er' (prononcez « Jamaica ») dans un style Reggae cher à Robert Plant ou des titres comme 'The Crunge', presque fusion avec ce groove incroyable. Mention spéciale à John Paul Jones qui révèle sur cet album son talent de claviériste, d’arrangeur et d'influenceur. 'No Quarter' est définitivement sa chanson, un chef d’œuvre intemporel, qui montre avec quelle aisance Led Zeppelin explore les styles.
Les fans de la première heure regretteront tout de même des influences Hard/Blues un peu laissées à l’abandon, et l’album mettra donc plus de temps à être apprivoisé, chaque piste étant un voyage vers de nouveaux horizons musicaux. De plus, le groupe s’équilibre : le chant de Plant est moins fou, plus contrôlé, les guitares de Page sont moins sauvages mais très opportunes, le travail de Bonzo est plus fin et John Paul Jones commence à s’exprimer aux claviers.
La suite de l’histoire est tristement connue: la drogue pour Page, la voix pour Plant, le doute pour John Paul Jones, l’explosion du punk, et finalement les excès mortels de Bonzo… La fin d'un groupe qui ressemble à une déchirante agonie. Pourtant cet album évite de peu la suite de catastrophes qui lui succéderont et s’impose comme un cinquième et nouveau chef d’œuvre.