Avec ses deux premiers albums, Fates Warning a prouvé qu’il était un des groupes à surveiller. En partant d’un métal plutôt simple, mais pétri de bonnes idées sur Night on Bröcken, ils sont passés à la vitesse supérieur avec The Spectre Within, proposant un Metal Progressif coloré et surtout novateur pour l’époque. Autant dire qu’ils auraient été bien inspirés de sortir un chef d’œuvre pour transformer l’essai… Avec Awaken the Guardian, il ne s'agit sans doute que d’un chef d’œuvre partiel.
"The Sorceress" commence sur des arpèges angoissants, puis une guitare délivre un de ces riffs géniaux au rythme bancal dont Jim Matheos a le secret. La voix d’Arch se pose avec toujours autant de lyrisme, bien qu’elle semble un peu plus faible dans les graves. Le morceau est très complexe, et les autres le seront aussi. Les nuances ne concernent plus seulement le rythme et la voix. La guitare du nouveau Franck Aresti offre une opposition intéressante au jeu rapide et diversifié de Matheos avec un son plus lourd et plus lent. Cette complémentarité ajoute encore de la richesse aux compositions des américains.
Le coté progressif côtoyé sur The Spectre Within est ici largement utilisé, et chaque titre bénéficie de breaks et changement brutaux de rythmes en tous genres. Des titres comme "Guardian" ou "Exodus" ont des structures à tiroir pleines de mélodie. Les protagonistes sont parfaits, avec notamment une section rythmique très bien en place qui gère l’articulation des morceaux de manière virtuose. John Arch marque encore l’album de son empreinte, avec ce chant venu d’un autre monde. Même si la puissance semble avoir diminué au profit d’une utilisation de son organe encore plus technique, sa performance reste remarquable.
Nous pourrions croire jusqu’ici que Fates Warning nous a bien délivré l’œuvre majeure qui était attendue d’eux… Pourtant, malgré un niveau impressionnant, l’album laisse un goût étrange en bouche. Premier problème, bien connu de l’auditeur et du lecteur assidu : la production. Le son est toujours vieillot et ce qui peut être séduisant sur du Heavy Metal traditionnel noie littéralement les compositions qui auraient mérité un son plus moderne. Le second problème est bien entendu l’extrême complexité des compositions. Les titres sont vraiment denses rendant le propos très difficile à suivre avec un rythme ne se relâchant jamais. Sachant que le second problème est empiré par le premier, et qu'en plus le style de chant de John Arch peut rebuter, nous obtenons un album difficile d’accès, tout particulièrement en 1986...
En conclusion, même si ce nouvel effort est particulièrement complexe et déroutant, ce serait une erreur de passer à coté des multiples trésors qu’il contient. L'auditeur devra donc s’armer de patience... Après cet album, John Arch quitte le groupe. Fates Warning continuera avec Ray Adler. Quelle que soit la suite de la carrière de Fates Warning, cette première période ne peut être occultée. Si cette formation n’a jamais réussi à présenter un album à la hauteur de son talent, il faut reconnaitre ses capacités et le rôle précurseur qu’elle a eu.