Avec « Change Of Address », Krokus semblait avoir touché le fond et perdu son âme, mais un véritable coup de théâtre a lieu en 1987. En effet, Chris Von Rohr annonce son retour dans le groupe et reforme ainsi la triplette magique qui fit le succès du groupe avec Von Arb et Storace. Il en profite également pour produire l’album avec le premier nommé. Krokus ayant sombré depuis son départ, dans des profondeurs FM ne correspondant pas à son identité, ce retour rallume l’espoir de voir le groupe revenir à la formule qui fit son succès à l’époque de « Headhunter ».
Autant le dire tout de suite, ces attentes seront majoritairement récompensées. Car cet album aurait pu être parfait sans un manque d’inspiration évident lors des premiers titres. Et même si Krokus compense avec énergie et enthousiasme les plagiats de « Rock Rock (Til’ You Drop) » de Def Leppard (« Everybody Rocks ») et du riff du « You’ve Got Another Thing Comin’ » de Judas Priest (« Wild Love »), ces copies mal camouflées font tout de même mauvais effet, placées qu’elles sont en début de disque. Et cette sensation est renforcée par la reprise de l’excellent mid-tempo au refrain entêtant « Winning Man », déjà présent sur « Hardware ». Heureusement, le reste des titres compense rapidement cette erreur stratégique.
Car nos amis suisses font preuve d’un dynamisme à toute épreuve et nous entraînent dans une tempête de riffs tous plus irrésistibles les uns que les autres, et il est facile d’imaginer le succès qu’aurait eu le groupe si cet album avait fait suite au célèbre « Headhunter ». En effet, c’est à cet incontournable opus du combo helvétique qu’il faut se référer pour aborder « Heart Attack » et ses titres que nous pourrions qualifier de savant mélange de rythmes et de tonalités dignes d’Accept, et d’une spontanéité typique d’AC/DC, cette influence étant renforcée par la fameuse voix de Marc Storace, si proche de celle de Bon Scott. Cependant, en dehors de « Shoot Down The Night » où Von Arb s’amuse de quelques accords de l’hymne allemand en fin de titre, Krokus est loin du clonage qui lui est souvent reproché envers l’œuvre du gang des frères Young. Et si « Bad Bad Girl » officie bien dans un style blues rock, il est plus proche de la power ballade que des riffs du diablotin sous amphétamines.
Pour le reste, Von Rohr & Co. enchaînent les titres aux mélodies irrésistibles et aux refrains immédiats, tel l’hymne taillé pour la scène qu’est « Rock’n’Roll Tonight », et les brûlots survitaminés que peuvent être le cinglant « Axx Attack » ou le tempétueux « Speed Up » qui vient clôturer l’album en 2 parties, le riff changeant après 4 minutes pour nous assommer définitivement avec plus de 2 minutes de double-pédale soutenant des guitares guerrières.
C’est donc un excellent album que Krokus nous offre et que nous n’attendions plus après les errances FM des deux opus précédents. Malheureusement, alors que le succès semblait vouloir lui ouvrir les bras, ce retour gagnant de Storace, Von Arb et Von Rohr tourna court suite au départ des 2 premiers nommés. Vraiment dommage car avec une production à la hauteur de l’énergie des titres offerts, le combo alpin avait réuni tous les éléments pour retrouver sa place sur les sommets du hard-rock.