Bien qu’étant crédité dans le livret et ayant composé la plupart des titres avec David Coverdale, Adrian Vandenberg n’avait pas pu enregistrer ses parties de guitare pour « Slip Of The Tongue », précédent opus de Whitesnake. Victime d’une vilaine blessure au bras, il avait vu Steve Vaï s’occuper de l’intégralité des bandes dédiées à la six cordes. Heureusement pour lui, il ne fût pas le seul à être frustré par ce contre-temps. Fortement contrarié, David Coverdale décida d’insister pour enfin mener à bout sa collaboration avec le guitariste néerlandais. C’est comme ça que ce « Restless Heart » déboule sur nos platines 8 ans après son prédécesseur studio.
Ces 8 années valaient-elles la peine ? Difficile à dire tant cet opus souffle le chaud et le froid et laisse dubitatif, même après plusieurs écoutes. Bien sûr, chaque titre pris individuellement reste d’une qualité au minimum acceptable. Il est d’ailleurs possible de se demander si Coverdale serait capable de produire un mauvais morceau. L’interprétation du duo est impeccable. Le vocaliste, maître de cérémonie, est au sommet de sa forme et sait aussi bien se montrer puissant que charmeur, parfois même au sein du même titre (« Can’t Go On »). Le jeu d’Adrian Vandenberg est tout en délicatesse, à la fois chaud et délicat. Quant aux musiciens accompagnant les deux vedettes, il savent se montrer présents mais discrets, sans aucune faute de goût.
D’où vient le problème, me demanderez-vous alors ? Et bien, il se trouve que cet album est à la fois victime d’un grand nombre de ballades ou assimilées, mais également d’un agencement des titres mal approprié, le tout générant une lourdeur générale qui entraîne régulièrement notre attention ailleurs. Que dire du positionnement de « Don’t Fade Away » en première position, si ce n’est qu’il y a un meilleur moyen d’accrocher l’auditeur que de lui offrir une ballade, certes de qualité, mais un brin sirupeuse, pour se chauffer ? Reconnaissez qu’il y a mieux ! Surtout lorsque ce morceau est suivi d’un « All In The Name Of Love » au tempo certes plus rapide mais restant un brin « mou du genou » dans l’ensemble. Il est déjà presque trop tard pour rattraper notre attention lorsque l’excellent titre éponyme vient nous offrir son rock classe et dynamique. Quant au puissant heavy blues rock « Crying » et au très rock’n’roll « You're So Fine », ils se retrouvent noyés au milieu de ballades plus ou moins bluesy dont on finit par oublier la qualité face à leur enchaînement paraissant sans fin.
Tout cela est d’autant plus rageant que les 2 derniers titres viennent nous rappeler avec brio ce dont Whitesnake est capable. Un blues rock à la fois puissant, varié et inspiré. « Take Me Back Again » et son refrain puissant, et « Woman Trouble Blues » avec son irrésistible montée en puissance, nous laissent partagés entre l’enthousiasme provoqué par leur qualité, et le regret de n’être vraiment accroché par cet album que dans ses dernières longueurs. Il est d’ailleurs à noter que les fans japonais du groupe bénéficieront d’une édition agrémentée de 3 titres supplémentaires dotés de la même dynamique.
C’est donc un sentiment mitigé qui domine après l’écoute de cet album, à la fois conscients de la qualité de la majorité des titres proposés, et déçus du manque d’accroche de l’ensemble. Comme quoi, l’alchimie d’un album se joue parfois à pas grand chose.