Originaire d’Israël, Ephrat sort son premier album sous le label allemand Inside Out en 2008. A la tête du groupe, Omer Ephrat, qui compose et assure les guitares, claviers et flûte, accompagné du batteur Tomer Z déjà présent sur l’excellent Blackfield. Le chant se partage entre le chanteur principal, Lior Seker, et deux invités de marque en les personnes de Daniel Gildenlöw de Pain Of Salvation et Daniella Nettermalm de Paatos. No One’s Words est mixé par un certain Steven Wilson, le plus israélien des artistes anglais.
« The Show » ouvre les hostilités par un bon riff métal très mélodieux appuyé par un clavier vintage. Excellente manière de débuter un disque de métal progressif. Après une succession de couplet-refrain très réussie une ambiance orientale est introduite par une guitare acoustique, une flûte et des percussions. La montée en puissance voit la texture harmonique fondamentale exploitée jusqu’à la fin du morceau. Ce titre très épuré foisonne d’excellentes idées.
Avec « Haze » l’atmosphère change radicalement, on passe du métal progressif et ses quelques touches symphoniques au Trip Hop. La mélodie de début est assez dissonante avec beaucoup de syncopes et de rythmes asymétriques. La voix de Daniella Nettermalm se marie parfaitement avec les choix harmoniques de ce titre et son chant assez maîtrisé tempère admirablement la puissance du magnifique refrain. Un morceau atypique mais extrêmement riche.
« Better Than Anything » débute sur quelques notes de guitare en son clair ouvrant la voie à une flûte et une guitare acoustique. Le gros riff ne se fait pas attendre. Le chant se pose harmonieusement sur le couplet mais c’est le refrain avec ses envolées pleines de lyrisme transcendées par des nappes de claviers qui incarne la quintessence de ce morceau. Plus tard, une texture arabisante entrecoupée de séquences vocales planantes du meilleur effet vient colorer l’écoute. Le titre se termine en apothéose par la récurrence du thème principal (un des thèmes serait plus juste) venant mourir sur quelques accords de Hammond.
Sur la seule piste instrumentale de l’album, «Blocked », plane encore l’esprit de Porcupine Tree. Un riff est répété de manière récurrente laissant la guitare électrique en son saturée, puis en son clair, ainsi que l’orgue s’exprimer. Rien de particulier à noter dans cette courte plage instrumentale assez aérée et de bonne facture avant d’attaquer les deux derniers morceaux de l’album.
C’est Daniel Gildenlow qui fait son apparition sur « The Sum Of Damage Done ». Le chant est quelque peu trafiqué et on se demande si c’est bien Daniel qui débute au chant. Ce n’est que lors du refrain très mélodieux que l’on reconnaît les poussées aiguës caractéristiques du suédois. La seconde partie du morceau est bien plus atmosphérique et Daniel se fait mieux entendre, même si celui-ci reste sur une certaine réserve qui pourra frustrer l’auditeur. La même architecture atmosphérique vient finir la chanson mais avec une énergie impulsée par un interlude très puissant. Encore une fois, les près de dix minutes de ce morceau n’en paraissent que cinq car Omer Ephrat sait admirablement composer des musiques denses en leur insufflant une volatilité salvatrice.
«Real» quintessencie ce que Ephrat fait de mieux. Cette pièce progressive de près de 19 minutes est le point d’orgue d’un album qui ne nous a pas déçu ni ennuyé une seconde. Un florilège d’ambiances très diverses se succèdent allant d’une inspiration au piano à la Beatles, un pont que n’aurait pas renié Dream Theater agrémenté de clavier vintage ou une guitare acoustique en conversation avec une basse fine mais pertinente.
L’exécution des musiciens est sans faille et reste un des principaux arguments de l’incroyable accessibilité de l’album. Tomer Z ne s’écarte pas de ses grooves très enlevés pratiqués sur Blackfield et, de la sorte, il n’étouffe jamais la musique. La guitare n’est jamais là pour se mettre en valeur alors que le chant de Lior Seker est assez neutre mais rempli son rôle sans faillir. La richesse musicale est parfaitement mixée par Steven Wilson et son empreinte est manifeste sur le rendu général de l’album.
No One’s Words n’est pas une œuvre de métal progressif de plus, car bien qu’empreinte de la plupart des codes que ce courant musical dicte, elle développe de nombreuses et brillantes idées. Malgré sa complexité, l'album s’apprivoise très rapidement en deux ou trois fois. Il n’en faudra pas plus pour se persuader que No One’s Words est un grand disque.