En 1970, Black Sabbath est déjà célèbre pour avoir livré avec son album éponyme une pierre angulaire du rock et pour avoir pratiquement inventé un genre venu de nulle part : Le Metal. En effet, Black Sabbath tient un rôle précurseur dans un des courants musicaux qui engendrera le plus de passion au cours des années suivantes et encore aujourd’hui.
Paranoid s’ouvre sur "War Pigs", qui devait à l’origine donner son nom à l’album pour dénoncer la guerre au Vietnam, une composition diablement efficace. La célèbre voix cérébrale et torturée d'Ozzy Osbourne ajoute considérablement à l’ambiance glauque. Cependant, outre les éléments habituels, à savoir les riffs sombre et lent et la voix aiguë, il est intéressant de s’attarder sur le travail de la section rythmique. En effet la basse sonne très acoustique, sobre et groovy, alors que Bill Ward délivre un jeu de batterie varié, parfois proche du Jazz. Cette alternance entre des influences très variées pour un groupe de métal et un jeu rapide et puissant, comme dans "Paranoid", donne une impression globale très positive. Même en incluant des éléments moins Heavy ("Planet Caravan"…) le ton sombre est conservé et la cohérence est excellente. Sans présenter tous les titres, citons "Hand Of Doom" ou "Iron Man" qui donnent leurs lettres de noblesse à Black Sabbath et au Metal, alors que les autres sont simplement des petites perles pleines d’inventivité et de sincérité.
La seule chose qui pourra être reprochée à cet album est sa date de sortie. Un cru de 1970 (1971 aux USA) ne vieillit pas toujours bien, et dans le Metal, les nombreux progrès sont liés à des jeu plus puissants, notamment en guitare, servis par la technologie… Or, parfois, le son de Paranoid peut paraître désuet. Le son de batterie en est un bon exemple, parfois trop faible, notamment à cause du style de jeu. La profondeur provient surtout de la guitare de Tony Iommi, donnant à la musique une légèreté rythmique étrange et paradoxale dans certains titres, comme "War Pigs" ou "Jack The Stripper", qui déroutera peut-être le fan de métal lourd et martelé.
A l'évidence, nous avons là une œuvre d’une qualité peu commune, qui influencera bon nombre de groupes par la suite. Malgré une production datée, ce "Paranoid" reste un album incontournable qui rejoint les grands "In Rock" et "IV" de ses augustes collègues au firmament du Hard Rock.