Dream Theater a beau ne plus être le groupe inventif et génial des débuts, il n’est reste pas moins géniteur de vocations. En effet, combien de groupes de métal progressif actuels peuvent se targuer d’une complète indépendance vis-à-vis des New-Yorkais ? Inversement, quand ces influences sont ouvertement revendiquées, le résultat n’est que trop rarement satisfaisant pour se démarquer clairement. Parmi les 'clones' de Dream Theater qui ont une vraie signature, le jeune groupe originaire de Nashville, Tennessee, Dead Air Radio nous offre leur premier véritable album, Signal To Noise Ratio. Après un premier EP autoproduit, Strange Frequencies, qui n’a pas retenu l’attention d’énormément de personnes, DAR frappe un grand coup avec son nouvel album qui confirme les espoirs et affine l’orientation musicale des américains. DAR est la réunion de trois musiciens de très haute volée; le principal compositeur, chanteur, guitariste, bassiste, pianiste et programmeur: Bill Givens, le guitariste Dennis Thompson et le batteur David Charlesworth.
Ouvrons d’emblée le paragraphe 'Déjà entendu chez Dream Theater' :
L’influence de Dream Theater est manifeste tout au long de l’album, surtout lors des passages instrumentaux ("Unbalanced" par exemple). Influence qui s’entend aussi dans le jeu de guitare de Bill Givens. Celui-ci fait sonner son Ibanez K7 comme John Petrucci lors du morceau "Liberation", et la ressemblance est troublante lors du solo de wah-wah qu’on jurerait avoir déjà entendu sur Liquid Tension Experiment. On ressentira un sentiment analogue lors du solo très rapide de "Humankind". Le groupe se permet même l’audace d’intercaler une courte interlude de clavier estampillée Jordan Ruddess. Pour être tout à fait complet et honnête, le refrain de "Liberation" a aussi quelque chose de DT avec le riff de guitare enrichi de cordes à vide.
Cette parenté affichée serait excessive et insupportable si une quelconque originalité n’existait pas. Heureusement avec DAR on est plus que servi. Ce trio joue une musique extrêmement technique et mélodieuse, tout en procurant une sensation de fraicheur très agréable qui fait souvent référence aux suédois de Ritual. Ainsi la complexité des passages instrumentaux est compensée par des mélodies fantastiques et des refrains immédiats, comme sur "Immaculate Rhapsody". La présence de piano est toujours très judicieuse et les interludes acoustiques et même flamenco font mouches dans "Unbalanced", le titre d’ouverture. La chanson "Unified" illustre le mariage génial de parties acoustiques très rythmées et de riffs bien métal, le tout transcendé par des refrains aux harmonies vocales brillantes.
Le morceau "Everchanging world" est une chanson folk bien reposante avec congas, cordes et guitare 12 cordes. La voix de Bill Givens présente une forte similarité avec celle du chanteur de Ritual, Patrik Lundström. Du reste, ce même titre possède la même légèreté et fraicheur que ce groupe dégage. Pour le titre "Humankind", c’est l'influence de Tool que l’on retrouve dans une intro très tribale. Le reste du morceau envoie la purée dans un savoureux mélange de grosses rythmiques et d’envolées vocales très aériennes sur les refrains.
Ce disque fourmille d’idées lumineuses tels le passage arabisant dans "Immaculate Rhapsody" ou le Hammond purpleien de "Evidence" et les quelques 44 minutes très denses de sa durée seront bien suffisantes pour le digérer. De nombreuses écoutes seront nécessaires pour pouvoir comprendre chaque détails et pour apprécier la finesse et la richesse harmonique des compositions de Bill Givens. La production, œuvre des deux guitaristes, est excellente, assurant une netteté idéale dans la distinction des instruments et restituant l‘incroyable énergie inhérente à la musique de DAR. Seul léger bémol, le mixage de la batterie qui ne traduit pas le son de la caisse claire aussi précisément que pour les autres instruments.
En conclusion, à moins d’être totalement allergique à tout ce qui se rapproche de Dream Theater, ne passez pas à côté de ce magnifique disque qui ratisse assez large dans le paysage musical progressif, allant du rock prog 'léger' et euphorisant d’ACT et Ritual, au métal prog qui tache dignement représenté par Dream Theater ou Tool. Si DAR arrive à se défaire de l’ombre de Dream Theater tout en gardant son inspiration à un tel niveau, on tient là un futur groupe majeur de prog. Retenez bien ce nom : Dead Air Radio.