Eleonore, troisième production pour nos Français de Black Noodle Project, avec toujours un line-up en évolution, puisque l’on constate le remplacement à la batterie de Franck Girault par Fabrice Berger et le départ de Matthieu Jaubert (claviers).
Avec ces changements, il se produit un durcissement des lignes rythmiques, l’atmosphérique de BNP se teintant de résonances métal. Le thème de ce concept-album repose sur les aventures d’une petite fille en quête d’un pays mystérieux, ce qui donne un album au visuel manga assez réussi et nous livrant sept titres se rapportant aux émotions de l’héroïne, ce qui est en principe porteur dans un album se réclamant du genre atmosphérique.
Réussir dans l’atmosphérique est un pari extrêmement difficile à tenir. Des groupes comme Anathema ou The Pinapple Thief ont marqué leur empreinte en réussissant le délicat équilibre qui créée les ambiances sur des petits riens, avec une grande exigence quant à la qualité des compositions, ainsi que dans l’exacte combinaison de sons qui caractérise une bonne production.
De ce côté justement, les soucis qui ont pu émailler les travaux précédents de BNP semblent loin derrière : l’équilibre sonore est bien réussi tout au long des sept titres; pour preuve, l’écoute de Hope fait irrémédiablement penser a Anathema, ce qui montre que les ambiances arrivent à se mettre en place. C’est malheureusement après que les faiblesses se font jour, les thèmes n’arrivant pas à se développer et donc à embarquer l’auditeur : Fear est typiquement le genre de titre qui plante une ambiance en trois notes simples mais reste vissé dans les starting-blocks après trente secondes ... Et cette impression perdure tout au long de l’album, cette impression que le groupe arrive à mettre en place une rythmique de base très correcte (quoique souvent conventionnelle) sur une ambiance assez dense, et ne trouve pas les moyens harmoniques de développer un thème porteur : ainsi le solo terminal de Awareness ne tient pas par son invention musicale, mais seulement sur les effets pratiqués à la guitare. Conséquence, des longueurs (Hope, Resistance, Deliverance), et beaucoup de répétitions (la fin de Sorrow, interminable dans ses fausses-sorties).
Le groupe a densifié son propos en se portant sur des rivages plus âpres, notamment avec une batterie qui nous gratifie à chaque morceau de son passage à la double-pédale, ce qui devient un tic qui peut agacer l’auditeur, car ce genre de démonstration technique ne devient payante que si elle est utilisée à bon escient mais pas systématiquement comme un passage démonstratif obligé.
Le constat final est qu’avec cet Eleonore, BNP nous livre un disque abouti sur la forme mais beaucoup trop limité dans ses compositions : il manque toujours le solo qui fera décoller ou le développement qui titille l’oreille, et ce manque d’imagination dans les compositions paraît actuellement un facteur limitant majeur dans l’évolution du groupe.