Difficile d’enchaîner un deuxième album lorsque le premier s’impose déjà comme un monument, et ce, même si on s’appelle Waren Haynes, Allen Woody et Matt Abts, membres du déjà légendaire Gov’t Mule. Après le coup de tonnerre que fût son premier opus éponyme, il a fallu 3 ans au power trio pour lui donner une suite, délai pouvant également s’expliquer par l’investissement des 2 premiers nommés au sein de Allman Brothers Band. Mais c’est également le soin apporté à la composition qui peut justifier le temps séparant deux albums qui trônent côte à côte sur le Panthéon des légendes du blues-rock.
Chaque musicien marque son territoire dès les premiers titres. Sur 'Blind Man In The Dark', c’est Matt Abts qui édifie un véritable mur rythmique avec son jeu à la fois technique et puissant, alors qu’Allen Woody s’approprie carrément le riff de 'Therozine Shuffle' avec une ligne dynamique et obsédante. Quant à Warren Haynes, il est encore une fois impérial aussi bien au chant que par ses solos lumineux. Sa performance vocale sur la ballade 'Towering Fool' est un véritable modèle d’émotion, à la fois profonde et maîtrisée.
Le style de Gov't Mule ratisse toujours aussi large et le gros blues rock du combo peut se faire Heavy ('Blind Man In The Dark' ou 'Game Face'), rock’n’roll ('Thelonious Beck'), émouvant ('Towering Fool'), entêtant ('Larger Than Life'), mais aussi jazzy ('Birth Of The Mule') et même folk ('Raven Black Night'). L'ensemble est toujours agrémenté de multiples jams endiablés, penchant qui se trouve d’ailleurs renforcé par 2 titres instrumentaux ('Thelonious Beck' et 'Birth Of The Mule'). A noter également 2 reprises : l’inquiétant folk blues de Son House 'John The Revelator' ainsi qu’un 'She Said She Said' que les Beatles auraient du mal à reconnaître, tant Haynes & Co ont su se l’attribuer pour en faire un heavy-blues dont le final est doté, encore une fois, d’une jam instrumentale impressionnante.
La principale différence avec le précédent album est essentiellement palpable au niveau de l’ambiance. En effet, celle de "Dose" est particulièrement sombre et seul 'Birth Of The Mule' délivre un peu de lumière dans un ensemble qui emmène vers les profondeurs de l’âme humaine. Citons 'Larger Than Life' aux sonorités dignes des premiers Motörhead et véritable chef d’œuvre taillé dans l’ébène ou 'Raven Black Night' et son folk mystique joué sur de multiples instruments traditionnels.
Gov’t Mule réussit ainsi à innover tout en conservant ses racines. Alors que son premier album avait prouvé que le Southern Blues Rock était capable de se renouveler musicalement, "Dose" vient renforcer cette idée et l’appliquer à ce groupe, véritable concentré d’inspiration et de technique.