Deep Purple. Encore un nom qui fait rêver. Bien qu’il soit évidemment inutile de présenter le groupe mégalomane, fondateur emblématique du Hard Rock, une recontextualisation s’avère nécessaire connaissant la simplicité avec laquelle le line-up a évolué au cours des années. En 1969, année d’enregistrement de ce live, Ian Gillan et Roger Glover viennent d’arriver en lieu et place de Rod Evans et Nick Simper, pour former Mark II, la plus célèbre version du groupe. Le premier témoignage discographique de la nouvelle mouture du groupe est à l’image de leur démesure : une collaboration avec un orchestre symphonique.
Le live débute par "Wring That Neck", tiré de l’album "The Book of Taliesyn". Le morceau est joué à la perfection, rallongé par les délires organistes de John Lord, et s’impose comme une première réussite. Présenter un nouveau membre, et à fortiori un nouveau chanteur, par l’intermédiaire d’un album live sur lequel ledit chanteur n’est présent que sur des morceaux inédits, est un pari un peu fou. Cependant le titre que découvrent les fans du groupe en écoutant "Child In Time" est un véritable monument du Hard Rock, qui part doucement pour présenter deux montées en puissance légendaires, traversées par un épique double solo d’orgue et de guitare. Pour sa présentation au public, Ian Gillan laisse pantois par sa performance, son chant sublimant la pièce.
La deuxième partie du concert est consacrée à la collaboration entre le groupe et un orchestre symphonique. Entièrement composé par le besogneux John Lord, la partie « collaboration avec l’orchestre » s’étale sur trois mouvement pour plus de 50 minutes de musique. Cet exercice plutôt novateur à l’époque fut bien entendu controversé. Il est d’ailleurs intéressant d’observer que la plupart des critiques qu’eurent à essuyer Deep Purple portaient plus sur la démarche, qualifiée d’orgueilleuse, que sur la musique en elle-même. La question de savoir s’il est orgueilleux de s’attaquer au Classique, ou si c’est perçu comme tel car le Classique effraie et semble élitiste, est finalement secondaire, car à l’heure actuelle une telle démarche n’étonne plus autant.
Le premier mouvement présente l’orchestre et le groupe de façon très distincte. Les (longs) soli de Blackmore répondent au jeu varié de John Lord. L’orchestre ne choque pas et correspond plutôt bien au son Deep Purple, très baroque. Cependant le mouvement souffre de longueurs inutiles et peine quelque peu à capter l’attention. Le second mouvement, plus doux, est très agréable à écouter, avec l’intervention de Ian Gillan. Cependant à part ce chant et l’intervention de l’orgue de Lord vers la fin, le groupe est absent. Le troisième mouvement est incontestablement plus réussi, avec un rythme plus enlevé, et enfin des passages hybrides où la guitare et l’orgue s’expriment sur fond d’orchestre. Un solo de batterie (bien exécuté par ailleurs) vient un peu casser le rythme de la chanson, mais cela reste une superbe conclusion.
Même si l’album n’est pas à cent pour cent génial et est loin de faire l’unanimité, il faut reconnaitre que la plupart des compositions sont admirables et présentent honorablement un groupe au talent énorme.