Mirage, nom du deuxième album de Camel, n'a de toute évidence pas été choisi par hasard par ce groupe français, (Stephan et Cyrille Forner, Agnès Forner, épouse de Stephan, accompagnés de Joël Mondon et Philippe Duplessy). Après 'A Secret Place' en 2001 et 'Tales From the Green Sofa' en 2004, 'Borderline' continue ce véritable hommage que rend le groupe à la formation d'Andy Latimer. Attention, pas question ici de reprises, mais bel et bien de titres originaux ayant seulement la particularité d'être écrit dans un style qui rappelle le chameau anglais…
Que veut dire 'style Camel', au fait ? Beaucoup de choses. Par exemple des harmonies légèrement jazzy sans avoir l'air d'y toucher, des ambiances tissées au fil du temps, une voix grave, chaude, pas très puissante, un son d'orgue Hammond reconnaissable entre mille, Le Piano Electrique Fender Rhodes utilisé avec parcimonie, une flûte traversière aux antipodes de celle de Jethro Tull, une basse bien marquée, parfois fretless, et surtout, oui surtout, une guitare qui vous soutire toutes les larmes de votre corps avec des soli que seul David Gilmour peut éventuellement surpasser (ce n'est pas pour rien qu'Andy Latimer a auditionné pour la dernière tournée de Roger Waters (2007-2008), seulement recalé à cause d'une voix un peu trop basse). Je vous laisse ajouter vos propres critères, car il y en a d'autres…
Et Mirage aurait tout ça en magasin ? Et bien au risque de vous surprendre, à peu près tout est là. Bien sûr le chant de Stephen Forner, placé comme celui d'Andy Latimer, assez bas, n'a pas vraiment la même chaleur, et surtout souffre d'un accent imparfait (Andy Latimer a un accent anglais très prononcé qui le caractérise beaucoup), mais c'est un défaut mineur. Le reste est bien là. Les ambiances, qui font que, lors des premières écoutes, certains morceaux paraissent longs, sont à l'image du modèle, construites pour durer. L'orgue Hammond, la flûte, la basse marquée, tout est là. Et la guitare ? Rassurez-vous, c'est un peu le clou du spectacle. Stephen Forner tire des mélodies dignes d'Andy Latimer (peut-être manque-t-il le génie du maître, et encore, parfois…).
L'ambiance de "Nothing Stops Me", allant de James Bond à Pink Floyd, montre au passage que Mirage ne se contente pas de 'faire du Camel', ce qui serait restrictif. King Crimsom s'invite à la fête aussi dans "Compulsion". Rythmique et guitare à la Robert Fripp, tout cela avec un son d'orgue Hammond qui ne doit rien à personne, parfait. Et si vous entendez un son tout droit extrait de "Shine on You Crazy Diamond" de Pink Floyd, (dans "Heads Up") c'est très fugace et ne doit pas vous laisser penser que Mirage s'est trouvé une nouvelle référence.
Loin de moi l'idée d'énumérer la longue liste des bons moments de cet album. Ce type de musique vous laisse une impression générale que seul le temps vous permet de détailler. A la fin du CD, une irrépressible envie d'y retourner vous envahit. Et vous y retournez. C'est ainsi que les détails, les finesses du bassiste, les bruitages de la guitare, la façon très subtile qu'a Joël Mondon de battre vous viendront petit à petit en tête.
Le retrait de la scène musicale d'Andy Latimer, véritable âme de Camel, pour des raisons médicales, laisse un vide que Mirage comble en partie, autant par son style si proche que par la qualité de ce qui nous est offert. Avec Odyssice, groupe Néerlandais instrumental dans la même veine, et surtout Mirage, les fans de Camel en manque de nouveauté vont pouvoir retrouver l'espoir. Et même si tous espèrent un retour en forme du Maître Latimer, ils leur reste de la bonne musique à écouter.
Merci à Mirage de perpétuer un style souvent plagié, rarement honoré avec autant de talent.