Cher cousin,
Comme tu le sais, j’ai le privilège de rédiger quelques chroniques sur un site de musiques, dans le domaine qui me passionne, la musique progressive.
Aussi comprendras-tu mon excitation quand m’a été confiée l’écriture d’un papier - pour autant qu’un article rédigé sur le web pût porter cette dénomination - sur une nouvelle production d’un groupe italien, paradoxalement affublé d’un nom français : J’accuse.
Mon imagination enfiévrée m’a immédiatement emporté vers des rivages que les amateurs de progressif ont classé très à part dans leur affectif : le prog italien, c’est ce mélange assez unique de futilités et de drames, ce contraste de musicalité débridée et d’orchestrations classico-lyriques qu’ont illustré des groupes comme PFM, Finisterre, Il Baccio della Medusa, ou encore la Maschera di Cera, Mangala Valis et Moongarden, pour n’en citer que quelques-uns.
Les informations sont plutôt rares sur le groupe J’Accuse; après un premier effort live, cet album (Abbandono del Tempo et delle Forme) est l'unique production studio de ce quintette évoluant avec deux guitares.
Je dois te dire d’emblée que nous sommes à des lieues des ambiances citées plus haut, et que je n’ai pas retrouvé le “charme italien” des meilleures formations transalpines.
J’Accuse évolue bien plutôt dans un registre de rock à consonnances métalliques, assemblant (et je pourrais même écrire : empilant) les riffs sans réelle recherche mélodique globale. N’était le remarquable dynamisme du batteur Raffaele Tenaglia, j’avoue que l’écoute de cet opus m’aurait fait sombrer dans l’indifférence la plus totale. Est-ce progressif ? Oui, si l’on se fie à l’accumulation de breaks qui rompent la monotonie inhérente à la simple musique de variétés. Non, si l’on considère qu’une simple accumulation de séquences rythmiques ne constituera jamais une musique progressive, dès lors que l’intention mélodique globale est cruellement absente. Absents égalements, ce qui est pour le moins surprenant par les temps qui courent, les claviers, relégués au simple rang de figurants dans le seul morceau calme de l’album, le désincarné Cercando un Punto Lontano. Privée de leur soutien d’ambiances, la musique de J’accuse paraît bien maigre, schématique, plus proche de l’improvisation estudiantine d’un groupe de copains que de la flamboyance romantique qui peut prêter à fantasme chez les compositeurs d’outre-Alpes.
Cruelle déception donc pour cette écoute, cher cousin, mais je ne désespère pas de te faire connaître une fois prochaine d’autres productions mieux élaborées et plus génératrices d’émotions.
Bien à toi.