C’est bien connu, les groupes de métal progressif français ne sont pas légion, le devant de la scène étant pour l’instant occupé par des formations majoritairement nordiques ou américaines. Aussi le premier EP des bordelais de Tormenta, trio formé de « musiciens expérimentés » (dixit leur page myspace), avait-il de quoi réjouir les amateurs du genre, d’autant plus que leur musique se veut « sincère, puissante, aérienne, sans concession » (ibid.). Mais cela, c’était avant l’écoute de la galette en question, sobrement dénommée « Tormenta », moins sobrement décomposée en morceaux porteurs de titres mystérieux dénotant une certaine ambition artistique ("Fièvre et calculs morbides", ça en jette, c’est sûr).
Car dès le premier morceau, il faut bien prendre conscience de la catastrophe à venir. Il ne s’agit que d’une suite de riffs sans intérêt, très agressifs malgré l’absence de basse, soutenus par un batteur qui semble le seul à tirer son épingle du jeu. L’enchaînement est rompu par une partie un peu plus mélodique, répétée ad nauseam jusqu’à une conclusion prévisible ne s’encombrant pas de fioritures. Précisons que globalement, les autres titres sont à l’avenant, insipides et monotones, basés sur une structure qui échoue à faire sens. Et ce n’est pas la qualité de la production qui arrangera les affaires de notre trio : elle peine en effet à faire distinctement ressortir chacun des trois instruments et accuse un net déséquilibre en faveur de la batterie.
Métal progressif ? Non, pas vraiment. Pourtant, les structures rythmiques témoignent d’une certaine recherche, souvent composées de mesures asymétriques et faisant la part belle aux ruptures de toutes sortes. Si ce groupe est d’ailleurs porteur d’un espoir, c’est bien de ce côté là qu’il faut le chercher. Par contre, soyons sérieux cinq minutes, et oublions une bonne partie de la prose myspacienne du trio. « Sincère » et « puissante », pourquoi pas ; mais « aérienne », c’est aussi absurde que d’espérer reconnaître en Pink Floyd les précurseurs du death-métal. Et pour finir en beauté, afin de rendre à César ce qui appartient à César, « sans concession », très certainement, puisqu’il n’en est fait aucune à la musicalité.
Ceci étant dit, et pour conclure rapidement sur un disque dont il n’y a pas grand chose à retenir, il est de mon devoir de signaler que je n’ai pas été tout à fait honnête ; car le quatrième titre, "Le retour de la noyée", émerge timidement de ce marasme sans nom. Encore faut-il pousser l’écoute jusqu’à son terme ! Et être en mesure, après vingt minutes de déception ininterrompue, d’apprécier un final original, fin et mélodique, authentiquement aérien. Preuve que rien n’est jamais si mauvais qu’on pourrait le croire à première vue. Et qu’il est permis d’espérer un premier album qui saurait, entre autre, intégrer la musicalité à son propos ; être chroniqueur, c’est aussi faire acte de foi…