Chers lecteurs, dites-moi très franchement : combien parmi-vous connaissaient l'existence de Rajna avant la publication de cette chronique sur votre site préféré ? Tout aussi franchement, je dois bien vous avouer que la réponse avoisinait le zéro au sein de la rédaction de Music Waves avant la réception de Duality, qui s'avère pourtant être le 8ème album de ce groupe français en un peu plus de 10 ans de carrière.
Tout d'abord trio durant quatre albums, puis désormais duo composé de la famille Lefebvre (Jeanne au chant, et Fabrice pour tout le reste), Rajna évolue dans le monde de la musique ethno-ambiante (ce sont leurs propres termes). Avec Duality, le groupe nous incite à explorer l'opposition entre la part d'ombre et de lumière qui sommeille en chacun de nous. Vaste programme… qui nous emmène tout droit vers une musique qui rappellera immédiatement des univers similaires, et non des moindres, puisque l'auditeur un tant soit peu adepte de ce style de productions retrouvera les palettes sonores de Dead Can Dance, Cocteau Twins et autres Bel Canto, stars du genre dans les années 80-90 et influences revendiquées par le groupe, celui-ci poussant même le mimétisme jusqu'à intituler cet album à l'identique du deuxième effort solo de Lisa Gerrard ! Simple coïncidence ?
Dès l'introduction instrumentale, direction l'orient et ses ambiances mystérieuses, avant que Above the Grey Land ne vienne nous présenter la voix envoûtante de Jeanne Lefebvre, mixée de façon new-age pour un titre à la rythmique travaillée qui rappelle sans contexte Bel Canto, les instruments "world" en plus. On retrouvera cette façon de procéder également dans des morceaux comme Le Toit du Monde, ou encore Kaitena.
Mais plus que les harmonies un peu glacées chères à feu notre groupe nordique, Rajna subit clairement l'influence de Dead Can Dance, et plus particulièrement des travaux de Lisa Gerrard sous son propre nom. Bien que proposant une voix un tantinet moins profonde dans les graves, Jeanne Lefebvre parvient à nous proposer un timbre qui réchaufferait un glaçon en quelques secondes, le mimétisme avec l'originale étant tout bonnement bluffant. Le splendide et recueilli Lamentation en constitue le plus parfait exemple, de même que Kaloum, tout droit sorti semble-t-il du Serpent's Egg de Dead Can Dance.
Mais, au-delà de la mise en exergue de ses influences, Rajna finit par imposer son propre style, balançant non seulement entre les intonations dichotomiques de sa chanteuse, mais profitant de la présence de quelques invités (et non des moindres) tels Tim Bowness (faut-il le rappeler, l'acolyte de Steve Wilson au sein de No-Man !) pour donner d'autres couleurs à sa musique. Un interprète masculin par ci, quelques griffes de guitare classique par là, quelques coups de batterie ou encore des orchestrations violon/violoncelle pour renforcer le caractère forcément ambient de l'ensemble, et titre après titre, un univers sonore incitant à la réflexion et la relaxation (tiens, ça rappelle un peu le new-age tout cela !) prend forme et nous entraîne loin des vicissitudes du quotidien.
Une heure de voyage plus tard, force est de reconnaître que Rajna a repris avec un talent au moins égal le flambeau abandonné par ses prédécesseurs, tout en continuant à enrichir un style musical mixant modernité et tradition sonore du monde. Véritable réussite, Duality ravira tous les amateurs des groupes déjà abondamment cités dans cette chronique … et me ramène à chaque écoute à LA question : comment ai-je pu ignorer si longtemps l'existence d'un tel groupe ?