L’année 2008 fait parfaitement écho à l’année 2007 au niveau de la richesse des sorties en métal progressif. Après Dream Theater, POS, Threshold et Symphony X il ne manquait plus que les suédois d’Andromeda pour achever le cycle des nouveautés des groupes cardinaux de ce genre musical. The Immunity Zone est donc le quatrième album de la déjà impressionnante discographie d’Andromeda.
Andromeda officie dans un style très technique, et en cela, parait être le digne héritier de DT, mais avec une signature très personnelle lui permettant de se démarquer des autres mastodontes du marché. Quatre cinquième des membres de ce groupe font partie d’un ou plusieurs autres groupes mais leur investissement dans Andromeda est total et prioritaire. Ainsi Thomas Lejon distille ses grooves dans ACT et Ominous (trash), Johan Reinholdz ses riffs incandescents dans Nonexist, Opus Atlantica et Skyfire (death progressif), David Fremberg ses vocalises dans Bloom (dans le genre trip-hop!) et Martin Hedin son génie de la production dans différentes collaborations.
La première émotion procurée par ce disque s’avère être non musicale mais plutôt engendrée par la magnifique pochette signée Maria Hedin. Ce dessin dominé par le vert et le gris foncé semble symboliser la cohabitation pernicieuse de l’industrie avec la nature. Si la signification peut paraitre floue au premiers abords, le thème général de l’album devient assez évident avec la première chanson « Recognizing Fate ». Ce titre débute sur un riff très lourd joué en étouffé et relayé par un couplet en son clair arpégé. Somme toute assez classique du style Andromeda, avec son refrain assez énergique, ce morceau réserve quelques originalités. Tout d’abord en milieu de morceau, est inséré un extrait du très célèbre discours télévisé de fin de mandat du Général Eisenhower du 17 janvier 1961. Ce discours donnait quelques prérogatives pour le futur président et surtout insistait par quelques phrases (retranscrites dans le livret du disque) sur les dangers des lobbies Militaro-industriels de plus en plus puissant et de leur possible main mise sur certains fondements de la démocratie. La seconde originalité est la séquence finale très aérienne, assez déconcertante dans le rythme choisi, et inhabituelle chez Andromeda de part les accords de clavier utilisés.
Le morceau suivant, au titre mystérieux « Slaves of the Plethoria Season » reste classique dans le déroulé bien qu’il n’y ai pas de solo ni de partie instrumentale. « Ghosts in Retina » est extrêmement bien transcendé par la voix sombre et inquiétante de Martin Hedin lors du pré-chorus et par les chœurs éthérés du refrain. Pour ce titre non plus pas de solo ni de séquence instrumentale. La concision semble être un des dénominateurs communs de ce nouvel album.
« Censoring Truth » débute sur un bon riff bien tranchant et aboutit rapidement sur une section rythmique très complexe de Thomas Lejon sur laquelle Reinholdz pose ses fameux arpèges en son clair. Le refrain très puissant avec ces intonations accentuée de David Fremberg est excellent. Le morceau se durcit sur la fin avec un rythme saccadé sur lequel les claviers et la guitare viennent s’intercaler. Apparait dans le dernier paragraphe le nom de Heinrich Heine, un poète allemand du XIXème siècle qui était aussi un journaliste assez proche de Marx et de ses idées révolutionnaires et donnant ainsi tout son sens aux paroles de cette chanson.
Sur « Worst Enemy » les chœurs sont une fois de plus très bien utilisés. Ce morceau aux différents tempos et ambiances contient un passage en son centre dont le chant est très inhabituel chez Andromeda. Sans longueurs ni lourdeurs, « Worst Enemy » quintessencie ce que Andromeda fait de mieux.
A mi-album environ, les bonnes surprises sont finalement nombreuses avec ce nouveau Andromeda. Les compostions sont très denses, dans la continuité de ce qui fait la particularité des suédois mais en cherchant l’efficacité et l’émotion plutôt que la démonstration. L’absence d’orgie instrumentale menée traditionnellement par Reinholdz est plutôt une bonne chose, car une preuve de ce savoir faire à déjà été fournie lors des trois précédents albums.
La deuxième moitié du disque ne nous décevra pas non plus. « My Star » est un morceau exceptionnel qui voit David Fremberg chanter comme jamais il n’avait chanté. Le couplet est abordé avec une voix lancinante jamais entendue chez Fremberg (de mémoire) et on ne peux que saluer cette tentative qui consacre définitivement David Fremberg au rang de chanteur incontournable de métal prog actuellement. Les progrès fait par ce musicien sont phénoménaux et on n’est pas étonné de prendre acte du fait que son influence au sein du groupe est grandissante tant au niveau de l’écriture des paroles que de la musique. C’est simple, David Fremberg n’avait jamais autant pris part à la création des chansons d’Andromeda que sur ce The Immunity Zone. Il est crédité de la plus de la moitié des musiques et du tiers des textes. Une des causes du succès de cet album est sans aucun doute à mettre au crédit de Fremberg.
Johan Reinholdz s’illustre pour la première fois franchement avec un solo en deux parties, la première introductive et oppressante et la seconde très technique avec des sauts de cordes directement inspirés du solo de « Erotomania » de Dream Theater. Reinholdz n’a rien perdu de son incroyable dextérité bien au contraire, il suffit d’entendre les octaves joués à une vitesse incroyable à la fin du solo. « Another Step » fait figure d’ovni dans cet album et même s’il n’est pas intrinsèquement mauvais n’apporte rien de particulier à l’entreprise. Dans un style rappelant plus les groupes trash du début des années 90 qu’autre chose, ce titre est le plus faible de tous. Le solo de guitare est très bien construit mais les sons du claviers sont quand même assez mal adaptés à ce genre de chanson.
Andromeda nous a toujours habitué à un morceau plus lent dans ses albums, qui sans parler de ballades, pouvait en prendre la forme sous certains aspects. Et bien ce titre est « Shadow of a Lucent Moon ». Comme toujours ces sont des arpèges en son clair qui ouvrent le morceau, spécialité de Reinholdz qui est vraiment expert dans la science des accords. Le refrain est parfaitement abordé par une modulation harmonique bien marquée. L’enchainement en saturation voit le refrain gagné en puissance excellemment interprété par David Fremberg. Johan tient sa place avec solidité (grâce notamment au solo très efficace) mais c’est David Fremberg qui donne au morceau la valeur ajoutée pour en faire une incontestable réussite.
Pour finir en beauté un The Immunity Zone qui tient toutes ses promesses Andromeda nous offre son morceau le plus long jamais composé. « Veil of Illumination » développe sur plus de 17 minutes un métal progressif très rythmé en plusieurs parties. La première séquence, qui démarre sur les chapeaux de roues, est une chanson à part entière avec construction presque classique couplet-pré refrain-refrain, entrecoupé de guitare à l’unisson avec le clavier aux sons un peu vieillots. Au tiers du morceau s’intercale une partie instrumentale assez dissonante et distordue rythmiquement. C’est la première et seule démonstration technique évidente de l’album et son unicité la rend plus digeste. On peut parfois penser à la partie instrumentale de « Extension of The wish » extraite de leur premier album. Dommage que le clavier se cantonne toujours au même son estampillé Stratovarius. Reinholdz trouve un espace de liberté pour plaquer quelques notes fortement expressives sur des nappes de claviers et sans être perturbé une seconde par les taquineries et les pièges rythmiques du géant Thomas Lejon. Aux deux tiers environ, reprise de la chanson du début. En fin de compte si on rogne ce morceau de son cœur instrumental et de sa fin atmosphérique, on a un titre qui ne vient pas dépareiller des autres.
The Immunity Zone ne vient pas surpasser les précédents albums mais s’en démarque sensiblement par un choix moins démonstratif. Johan Reinholdz est plus en retrait au niveau des soli qu’il pouvait générer sur les anciennes productions. Il est toujours aussi brillant concernant les rythmiques et les arpèges en son clair. Thomas Lejon est égal à lui-même, c’est-à-dire généreux et tentaculaire; peut être le meilleur batteur de métal progressif à l’heure actuelle. Martin Hedin reste toujours aussi précieux en tant que chanteur secondaire et sa contribution vocale est plus importante que jamais. En ce qui concerne son travail de clavier, on regrette qu’il n’utilise que trop souvent le même son un peu suranné. Il s’est, encore une fois, chargé de la production de l’album, et sur ce point on ne peut rien lui reprocher. Son talent incontestable de producteur lui a notamment donner l’opportunité de travailler avec des musiciens aussi divers que le compositeur suédois Kent Olofsson. Mais la vraie révélation et confirmation de ce disque est pour David Fremberg qui n’a jamais été aussi influent que sur cette réalisation tant dans son écriture que dans son interprétation.
Sans le titre « Shadow of a Lucent Moon », un peu moins lumineux que les autres, The Immunity Zone aurait pu prétendre à la note maximale. Il n’en reste pas moins un excellent album d’Andromeda, très dense et parfois difficile d’accès mais dont les heures d’écoute nécessaires à son acclimatation seront récompensées par un réel bonheur.