La sortie d’un nouvel album d’Evergrey reste un moment toujours haletant pour quiconque s’est épanché un tant soit peu sur la carrière et la discographie de ce groupe suédois. En effet, après un peu plus de dix ans d’existence, Evergrey présente son nouvel opus "Torn" (huitième du nom) dont l’illustration offerte en terme de jaquette se permet déjà d’interpeller l’œil aussi bien du néophyte que du connaisseur. Alors est-ce qu’il y aura un rapport de cause à effet entre ce dessin tortueux mais néanmoins très réussi et le contenu musical de cette nouvelle production des incisifs suédois ?
Tout d’abord quelques changements sont à signaler, notamment concernant la maison de disque (signature assez fraîche sur le solide label allemand SPV) mais également au niveau du personnel, puisque le poste de bassiste est repris depuis peu par Jari Kainulainen (ex Stratovarius). L’immersion dans le monde musical d’Evergrey version 2008 démontre que ce nouveau venu est particulièrement bien intégré à son groupe.
Le combo nordique fait une nouvelle démonstration de sa magistrale cohésion, renforcée de surcroît par l’impact quasi immédiat des onze titres constituant "Torn". A peine la galette a-t-elle commencé à tourner dans le lecteur que l’effet Evergrey se fait tout de suite ressentir. Les guitares représentent singulièrement un véritable "mur du son", surtout sur les aspects rythmiques pour le moins agressifs mais subtilement travaillés. Quel plaisir de retrouver la voix de Tom S. Englund, toujours aussi particulière, profonde et chaleureuse. L’axe basse/batterie agit puissamment en totale harmonie avec les six cordes, assurant ainsi à chaque morceau une assise et une progression cependant très typique à Evergrey.
"Torn" s’apparente à un écrin refermant onze véritables pépites de métal en fusion dont l’aspect mélodique, prépondérant chez Evergrey, n’est bien entendu pas oublié. Les notes de claviers précises et judicieusement placées au fil des morceaux renforcent la face progressive également mise en valeur par de nombreux changements de tempo et autres breaks dont le groupe a le secret. Mais c’est surtout par son aspect purement heavy métal que "Torn" revêt un caractère extrêmement percutant avec en prime l’exercice d’une science imparable appliquée sur les refrains (déjà bien connue et totalement maîtrisée par ces musiciens).
En tout état de cause, les onze compositions atteignent leur cible avec une précision qui n’a d’égale que le tranchant des riffs associés à des soli tous techniquement irréprochables et baignant dans un feeling particulièrement mélodieux. "Broken Wings", qui ouvre les hostilités, donne le ton de manière fort éclatante. Des titres comme "Fail", plus progressif dans l’âme ou "Numb" affichent une évidente modernité. Le morceau éponyme est lui aussi garant d’un contenu nuancé et haut en couleur, sans oublier de mentionner la participation vocale réussie de Madame Englund sur "These Scars", dont la tendance actuelle ne fait qu’en renforcer l’intérêt. Mais finalement, "Torn" impose, à l’image du groupe qui l’a composé, une telle dose d’homogénéité qu’il est bien difficile d’en extirper un titre en particulier. Ce bloc imposant et robuste s’ingurgite sans embarras, infligeant parallèlement une claque bien circonstanciée à l’auditeur.
Alors pour conclure, même si Evergrey n’a pas franchit un pas novateur avec cette nouvelle production artistique, "Torn" n’en reste pas moins une véritable réussite qui risque de marquer par sa patte musclée une année 2008 déjà bien entamée. Un album de cette trempe et regorgeant de qualité en tout genre ne peut que redorer le blason du heavy/power métal à tendance progressive. Evergrey surclasse de pas mal d’encablures ses rivaux potentiels, qui s’ils veulent tenir la dragée haute face à "Torn", devront fournir des efforts suffisamment conséquents. Laissez venir, mais ne perdez pas une occasion d’écouter cette œuvre tout en contemplant cette jaquette, entièrement fidèle à l’écrasant et tourmenté contenu musical de "Torn".