Attention album culte. Nous sommes en 1970 et le groupe Black Sabbath, originaire d’Aston, nous livre dans cet album éponyme leur premier effort studio. Le résultat accèdera vite au statut de fondateur d’un style puissant : le Metal.
Posons un œil sur le contexte. La fin des années 60 est survolée par le courant Hippie, et dans le sillon laissé par les Beatles, et avant eux Elvis Presley et Buddy Holly, la tendance est à la musique joyeuse et naïve. Même les inévitables positionnements politiques des garçons dans le vent se font dans des Edens musicaux où c’est tout juste si l’on n’entend pas les oiseaux chanter. Les quelques tentatives d’innovations progressives et psychédéliques mettent en exergue de nouveaux sons, une nouvelle virtuosité, mais toujours dans le cadre d’une musique claire et lumineuse. Ozzy Osbourne fait alors la constatation ingénue mais géniale qu’il n’existe en musique aucun équivalent aux films d’horreurs. Ce simple postulat ouvre dans le paysage musical actuel (de 1970 pour ceux qui ne suivent pas) une brèche considérable dans laquelle s’engouffreront 39 années de ténèbres, d’électricité, d’excentricités et, malheureusement, de préjugés.
L’auditeur se retrouve vite dans le bain grâce à une pochette glauque et sombre, sans être agressive ni excessive pour autant. Et l’impression de malaise grandit lorsque les premiers sons perçus à travers les craquements de la platine (nous sommes toujours en 1970 !) sont des gouttes de pluie et une cloche lugubre. Les Beach Boys sont déjà enfermés dans leurs toilettes quand retentissent les premiers accords sombres de la grande collection de Tony Iommi. La guitare laisse ensuite place à l’un des éléments notables de la mini révolution qui se produit là : La voix du Madman. Le simple son de cette voix psalmodiant des vers maléfiques habite la musique d’une façon géniale. En fait, l’incipit éponyme est un peu le programme de Black Sab’, avec des gros coups lugubres de guitares distordues et des accélérations, qui restent un des schémas classiques du groupe.
Inutile de décrire une musique qui l’a déjà été mille fois. Ce qu’il faut retenir, c’est la machine qui vient de se mettre en place. Tout n’est d’ailleurs pas bon dans cet album. "The Wizard" (avec son intro à l’harmonica) est classique et fait pale figure dans la discographie des seigneurs du Metal. Si certains titres sont représentatifs de ce que fera et magnifiera le groupe plus tard (environ un an après), le concept n’est pas encore lâché à fond, et "Wicked World" fait penser à Deep Purple, tandis que "Evil Woman", reste dans un registre Hard Rock assez classique.
Malgré ces quelques réserves, l’album est excellent et certains joyaux ("Sleeping Village" et ses arpèges angoissants, le premier titre…) laissent augurer un grand potentiel, qui explosera avec "Paranoid" en 1971. Le son et la technique sont sans doute dépassés aujourd’hui, cependant, tout métalleux ou simplement mélomane un tant soit peu sérieux doit réserver à Black Sabbath l’enthousiasme qu’il mérite : Celui d’une œuvre fondatrice, d’un ancien testament du Metal dont l’influence se fait toujours ressentir dans la plupart des compositions actuelles de la planète Metal. Nous sommes toujours en 1970…