Hegemony est le huitième album des français de SUP, connu au départ sous le nom de Supuration et aujourd’hui aussi appelé Spherical Unit Provided. Le groupe, depuis plus de 15 ans, s’est fait remarquer dans la scène métallique française et internationale par sa volonté toujours affichée de s'extraire de la norme en proposant une musique riche et varié, en mettant toujours l'accent sur un concept fort et des paroles d'une rare qualité et surtout sans se fixer de limites ni de frontières musicales.
Et tout au long de sa carrière, SUP a beaucoup évolué et progressé. Il est parti d'un canevas death metal pour devenir avec le temps - en ajoutant petit à petit des influences en tout genre - un véritable ovni difficilement classable dans le milieu métal.
Car la musique de SUP est un véritable voyage sonore avec de temps à autre des aspects empruntant aussi bien à Depeche Mode et à la cold wave qu’à la musique électronique sans jamais renier ses racines death métalliques, un peu dans l’esprit des canadiens de Voivod. Et un tel parcours jusqu’ici sans faute ne peut que forcer le respect de l’auditeur, d’autant plus qu’il n’a jamais dévié de sa route et de ses envies d’évoluer malgré un succès assez mitigé d’estime, gardant ainsi un noyau dur de fans.
Avec Imago (2005), le précédent album, les frères Loez, respectivement guitariste et chanteur, tous deux leaders et créateurs de tout l’univers du groupe, avaient proposé un disque ambitieux et aussi l’un de leurs tout meilleurs. Musicalement le groupe se plaçait dans une mouvance très cold wave offrant une grande place aux ambiances glaciales et hypnotiques chères au groupe depuis Chronophobia. On pouvait donc se demander quel chemin l’esprit torturé des deux frères allait prendre avec ce Hegemony, tout en sachant d’avance que tout était possible de leur part.
« Hegemony » se montre avant tout beaucoup plus hermétique et difficile d’accès que son prédécesseur sur lequel, chose rare pour le groupe, quelques titres s’écoutaient facilement au milieu d’un ensemble relativement soft. En effet, ce nouvel album met largement plus l’accent sur la face brutale du groupe tout en gardant quand même cette atmosphère si particulière développée depuis quelques albums. Cet aspect brutal est surtout marqué par des vocaux death beaucoup plus présents. Ils habillent chaque titre donnant un aspect nettement plus sombre que précédemment et se marient à merveille aux passages en voix claire que Ludovic Loez maîtrise toujours aussi bien.
Et avec les écoutes, on se prend au jeu de ce disque, qui se montre encore une fois très abouti et à la hauteur de la discographie de la formation.
Attention ! Ce Hegemony demande un certain effort d’écoute pour en saisir correctement toutes les subtilités et aller au delà de l’impression brutale qu’il dégage, impression immédiatement ressentie avec un début très martial via l’intro Hegemony qui nous fait rentrer de plein pied dans une atmosphère particulièrement glaciale. March of the neovocyts se distingue ensuite par un rythme très froid lié a des vocaux quasiment parlés et teintés de passages que ne renieraient pas Rammstein ou le Cynic époque Focus.
La suite suit cette tendance mais en s’aérant heureusement un petit peu avec des passages chantés en clair sur The baleful light puis avec une ambiance cold wave plus marquée sur Death dance. Ce dernier s’avère être le premier titre facile d’accès de l’album en partie grâce à un riff qui évoque ce que pouvait faire Paradise Lost à la fin des années 90. Et petit à petit, l’ambiance si particulière se met en place, la rencontre entre le SUP new wave et le death de Supuration fonctionnant à merveille. On pensera au superbe Recall tout en violence contenue ou à The Searing desert dans lequel les deux mondes se croisent au détour de passages tour à tour purement death métal puis complètement électroniques. Salinity se démarque aussi dans cette tendance avec des nappes de claviers superbes soutenues par des vocaux soft qui permettent de souffler un peu.
SUP a ainsi décidé de se rapprocher d’Anomaly, le disque le plus barré et le plus difficile d’accès du groupe. Le titre The far horizons s’en rapproche d’ailleurs fortement ainsi que le couple final « The arrival » et « Dissolution ». La formation signe donc là un nouveau grand disque et pose une pierre de plus dans son édifice musical si particulier et complètement à part dans la scène métallique internationale. On souhaite que le groupe trouve enfin une large audience, l’intelligence de sa musique et de démarche le méritant amplement. Ce Hegemony est en tout cas largement conseillé à qui voudrait faire un voyage musical hors normes.