C’est au début des années 80 que les frères Stewart, natifs de Glasgow, montent Strangeways, groupe qu’ils avaient à l’origine nommé China White. Epaulés par le bien nommé Bill Drummond à la batterie, les écossais tentent de s’adjoindre les services du vocaliste américain, Terry Brock. Malheureusement, celui-ci n’est pas disponible pour l’enregistrement de ce premier opus éponyme alors que les sessions sont déjà réservées pour entrer en studio avec Kevin Olson, célèbre pour son travail auprès de groupes tels que Journey, Night Ranger, Mr Big ou Europe. On a déjà vu pire pour un premier album ! Pour en revenir au désistement de Brock, c’est vers Tony Liddell et son look à la Kajagoogoo que finissent par se tourner les Stewart Bros.
Une fois ce petit historique terminé, je ne vous re-servirai pas le laïus sur ces groupes talentueux n’ayant pas reçu le succès commercial mérité, et pourtant il serait encore justifié.
Le trio écossais et son chanteur originaire de Newcastle œuvrent dans un Aor flirtant avec le hard FM, le tout doté d’une production typique des années 80, en particulier en ce qui concerne le son de batterie un peu trop aseptisé. Les claviers font également penser à un autre excellent groupe officiant dans un style équivalent à la même époque : Tobruk. Le sextet britannique vient également à l’esprit lorsque Strangeways muscle son Aor sur des titres tels que « The Kid Needs Love », « Hold Back Your Love », « More Than Promises » ou « Hold Tight ». A ce propos, il paraît d’ailleurs injuste de constater que le clavier Alan Thomson n’est pas crédité comme membre à part entière du groupe, alors que son rôle est primordial dans l’identité du combo. La prestation des frères Stewart n’est évidemment pas négligeable. Ian nous sert quelques soli dont Neal Schon ne renierait pas certains (« Close To The Edge » ou « Breakin’ Down The Barriers »). De son côté, David assure une rythmique solide et variée, pouvant être parfois slappée (« Heartbreak Zone ») ou ronronnante (« Breakin’ Down The Barriers »). Par contre, Tony Liddell, sans être mauvais, laisse parfois apparaître quelques limites à son chant losqu’il abuse de certaines montées (« Power Play » ou « Hold Tight »).
L’autre défaut qui pourrait être reproché à ce néanmoins excellent album, concerne l’utilisation abusive du fading en fin de morceaux. En effet, seuls 3 titres échappent à cette baisse progressive du volume qui peut laisser supposer que le groupe était en manque d’inspiration pour conclure ses idées. Dommage car l’ensemble est d’une très bonne tenue et voit Strangeways mélanger les influences sans jamais tomber dans le plagiat, et sans qu’aucune baisse de régime ne soit à déplorer. Si Tobruk vient parfois à l’esprit pour les raisons exposées précédemment, on pense aussi à Journey (« Hearbreak Zone »), à Shy (« Close To The Edge ») ou Survivor (« Now It’s Gone »). Pourtant, si ces noms viennent à l’esprit, jamais la sensation de copiage ne fait jour. Seule l’intro de « Power Play » voit ses accords semblant empruntés à « Eye Of The Tiger », et encore, cela ne dure pas plus que quelques mesures.
Ce premier album ravira donc les amateurs du genre, même si le meilleur reste à venir. A noter que la réédition signée Majestic Rock Records, si elle permet de remettre ce groupe sur le devant de la scène, est cependant dotée d’un titre bonus tout à fait dispensable. En effet, la version live de l’excellent mid-tempo « Breakin’ Down The Barriers » est juste digne d’une mauvaise démo. Mal enregistré et doté d’un son ignoble, ce bonus n’a pour seul intérêt que de nous faire entendre ce titre interprété par Terry Brock. Nous vous conseillerons donc de vous rabattre, si vous en avez l’occasion, sur la réédition de Hangdog Records qui elle, propose un titre inédit (« Streets On Fire »). Encore faut-il réussir à la trouver.