Après des albums tels que "In Rock", "Fireball", "Machine Head", et leur témoignage live "Made In Japan", Deep Purple était d’ores et déjà l’un des plus grands groupes de tous les temps. Cependant le revers de la médaille commence à se faire ressentir en 1972, après 18 mois de tournée pour promouvoir "Machine Head", et il aboutira au départ de Ian Gillan. C’est dans ce contexte de tensions internes qu’est créé ce dernier opus.
Si je parle de dernier album en 1973, alors que Purple aura la carrière qu’on lui connaît ensuite, c’est parce qu'il s’agit de la dernière création de la formation Mark II (a), qui reste pour beaucoup la formation classique. Curieusement, "Who Do We Think We Are" n’aura pas dans le cœur des fans la même place que ses géniaux prédécesseurs. Pourtant, avec le titre (que dis-je, le hit) "Woman From Tokyo", le groupe nous sert un chef d’œuvre en guise de hors d’œuvre, avec un piano jazzy bienvenue et un riff ravageur. Et le reste n’est pas moindre. L’agréable "Mary Long", et ses paroles inavouables, fait sourire et possède une bonne humeur contagieuse. "Smooth Dancer" a des allures de « Speed King II » et même si la démarche est redondante, le résultat est un titre efficace sur lequel John Lord reprend du poil de la bête. On notera d’ailleurs que s’il semble moins présent sur l’album (il l’est réellement sur certain titre), c’est que l’utilisation systématique de l’orgue a été atténué par l’usage du piano, qui apporte plus de couleur aux compositions baroques du groupe.
"Rat Bat Blues" est, avec "Woman From Tokyo", un moment fort du disque. La recette des albums précédents - présentant un Hard Rock alternant passages pompeux et vifs, soutenu par une batterie carrée mais inventive, et la voix criarde et mélodique de Gillan trouve ici un morceau de référence, qui se détache du lot grâce à un délire central jouissif. Retour aux sources blues avec "Place In Line" sur laquelle Gillan prend une voix étonnamment grave au début. Le chanteur s’en sort très bien dans ce style, prétexte par ailleurs à un solo de Blackmore comme on les aime.
"Our Lady" est malheureusement trop faible pour conclure. Comme pour "Super Trouper", il s’agit juste d’un titre de Deep Purple de plus. On pourrait d’ailleurs reprocher à cet album de n’être qu’un album de Deep Purple de plus. En effet, bien qu’il soit parfaitement interprété, il lui manque la folie d’un "In Rock", ou la démesure de "Made In Japan", et malgré une indéniable qualité intrinsèque, l'album souffre de la comparaison avec le reste des productions du groupe en ce début de décennie.
En 1973, après une tournée au Japon, les tensions s’avèrent insurmontables, et Ian Gillan quitte le groupe, ainsi que Roger Glover, brisant une magie que les reformations ne sauveront pas. La période Mark II (a) s’achève ainsi en laissant au monde du Hard Rock quatre disques superbes, dont deux ont laissé leur empreinte pour longtemps. Même si "Who Do We Think We Are" semble trop pâle pour être un juste testament, il n’en demeure pas moins un très bon album, qui mérite d’être découvert au même titre que les autres, car il possède de bien belles perles.