Depuis 1973, date à laquelle est sorti le mythique triple album Yessongs, peu de choses ont changé dans les concerts de Yes. Cela fait 35 ans que j'écoute du Yes, et les lives de ce groupe se ressemblent tellement qu'il est bien difficile d'en extraire un si ce n'est le premier, sommet de la vie de ce groupe. Mais faut-il pour autant bouder les prestations de Yes, qui remplit toujours des stades et attire toujours ses afficionados de la première époque ? Certes non car un concert est, et reste unique, et que Yes a plus de passé que d'avenir (ils ont 40 ans d'existence en cette année 2008), donc, ne les ratons pas.
Mais qu'est ce Director's Cut ? Cette appellation, très en vogue dans le monde du DVD, qui fait vendre ou revendre un film soit disant tronqué, ne veut pas dire grand-chose ici. Explications : Yes a sorti pour fêter ses 35 ans, un double DVD intitulé Yesspeak. Comme son nom l'indique, pas de 'songs', mais des 'speak', autrement dit pas de chansons, mais des paroles. Il s'agissait donc d'un reportage sur Yes fait lors de la célébration des 35 ans du groupe. Un commentaire (assuré par 'The' Roger Daltrey des Who) racontait l'histoire du groupe, avec force interventions des musiciens, interviewés dans un lieu personnel (chez eux ou en vacances). L'illustration musicale de tout ceci était assurée par des extraits d'un concert filmé lors de la tournée "The Full Circle"(Birmingham). Ce concert était gentiment proposé en bonus sur le second DVD, mais uniquement pour sa bande son (en 5.1, mais tout de même… sans images).
Batric se plaignait de "l'arnaque" de ce 'Yesspeak', il semblerait qu'il ait été lu… Car la Director's Cut, de Jo Garofalo, c'est presque le contraire ! Le concert est proposé, en image, avec seulement des extraits des interviews des musiciens, plus de Roger Daltrey, car plus d'historique narré du groupe. Ce qui est intéressant, c'est que seules les anecdotes restent - d'où vient le nom du groupe, comment Rick Wakeman a eu, dans la même journée, une proposition pour jouer avec David Bowie ET Yes ! (Quel luxe…) ou comment se sont rencontrés Jon Anderson et Chris Squire, fondateurs du groupe ? Mais ce qui est important, c'est le concert. Vous y retrouvez l'essentiel (on n'a pas tout Yessongs, mais il n'y a pas tant de différences que ça, finalement), avec une qualité sonore acceptable, même si elle n'est pas parfaite.
La formation qui officie est, d'après de nombreux fans et d'après Steve Howe lui-même, la plus légitime. C'est celle qui a vécu le plus longtemps, celle qui a donc le plus tourné et créé. Et même si Alan White n'est apparu qu'en 1972 dans le groupe, il ne l'a plus quitté et reste donc le batteur de Yes, son prestigieux prédécesseur, Bill Bruford, ayant trop tôt quitté le groupe pour prétendre à cette légitimité (bien qu'il ait participé à l'enregistrement studio de presque tous les grands titres que Yes continue de jouer aujourd'hui, précisons-le !).
Lors de ce concert, Yes semble en forme. Le groupe est heureux de jouer, Jon Anderson est toujours aussi juste (cet homme ne fait JAMAIS de fausses notes, c'est tout simplement hallucinant !) et Rick Wakeman a toujours cette dextérité qui fait de lui un virtuose exceptionnel. Quant à Chris Squire, il a toujours ses tics énervants (ceux qui connaissent apprécieront…). Steve Howe donne toujours l'impression de découvrir les morceaux (mais c'est du à son style, pas à son talent, rassurez vous…). Enfin Alan White ne prend pas une ride, bat juste et bien, comme toujours.
De Siberian Khatru à Roundabout, peu de mauvaises surprises. Mention particulière pour 'Don't Kill the Whale', parfaitement exécutée, pêchue à souhait, avec des chœurs au top. Mention moins bien pour 'Awaken', qui débute très mal, la faute à un mixage douteux ou à un Steve Howe brouillon, je vous laisse choisir. Ca s'améliore nettement dans le passage central, dans lequel Jon Anderson joue de la mini harpe. La fin redevient chaotique, pour les mêmes raisons… Dommage.
La fin du concert, avec 'I've Seen all Good People' et 'Roundabout' est enlevée, dynamique et nous fait presque regretter que ça s'arrête.
On a droit ici a un bonus avec, à la suite de ce premier concert, celui de Glastonbury, en extérieur. Un set un peu plus court, une image de moins bonne qualité, des interprétations similaires à celles déjà vues juste avant, bref, c'est sympa sans être indispensable. Mais comme c'est un bonus, pourquoi faire la fine bouche ?
Alors que Yes fêtes ses 40 ans cette année, ce témoignage de ses 35, qui n'est pas le premier, loin de là, arrive un peu tard, mais il a le mérite d'exister. Ce groupe m'a toujours laissé un sentiment mitigé, fait d'admiration, de goût pour leur musique et d'un manque. Ce manque est aujourd'hui clairement identifié, c'est l'émotion. La musique de Yes ne laisse pas de place à l'émotion. C'est du moins ainsi que je la ressens. C'est une musique composée pour être durable, techniquement difficile à interpréter, difficile à appréhender, et qui plait sur la durée, mais qui ne vous emporte pas comme celle de Genesis, Pink Floyd ou autres. Ce sentiment est toujours présent à la vision de ce DVD, et les moments d'émotion qui m'ont traversés venaient de la nostalgie d'une époque que me remémoraient ces vieux morceaux et non des titres eux-mêmes.