Dire que cet album était attendu est un doux euphémisme. En effet après un « From Mars To Sirius » éblouissant, tout aussi massif qu’aérien, après une tournée triomphale et une reconnaissance bien méritée hors de l’hexagone, le nouvel (et quatrième s’il vous plait !) album des Français était espéré de pied ferme par une horde de fans avides de sensations lourdes.
Malheureusement la déception que procure « The Way Of All Flesh » est tout aussi importante que l’attente qu’il a suscité. Là où nous attendions un groupe s’affirmant réellement, s’affranchissant définitivement d’influences depuis le début trop visibles (ou audibles) nous devons au contraire nous contenter d’un album qui semble faire machine arrière.
Dès les premières écoutes le côté beaucoup plus brut, plus direct des compos étonne, puis l’étonnement laisse sa place à un sentiment de vide tristement nourri par la quasi absence d’arrangements et par le manque flagrant de fantaisie. La partition de batterie extrêmement sobre illustre parfaitement ce manque de folie, le niveau technique également moins élevé que sur les précédents albums renforcent cette impression désagréable que les musiciens, visant une certaine simplicité, ne sont pas allés au bout des choses.
Les morceaux sont poussifs, à l’image d’un « Esoteric Surgery » qui malgré le renfort d’une double grosse caisse hyperactive ne parvient jamais à décoller. Tous les ingrédients y sont mais la mayonnaise ne prend pas, Gojira tourne en rond et commence à ennuyer. Les riffs eux même sont assez quelconques, souvent peu inspirés et surtout déjà entendus soit chez Gojira soit chez Morbid Angel ou Meshuggah. Une fois de plus le groupe puise allégrement dans le répertoire et le savoir faire de ses deux principales influences pour composer sa musique. Ainsi « Yama’s Messenger » et la fin de « Vacuity » sont tirés du « Gateways To Annihilation » de l’Ange Morbide, « The Art Of Dying » quant à elle sort d’un album de Meshuggah. S’inspirer est une chose, pomper en est une autre !
« From Mars To Sirius » ouvrait des portes que cette nouvelle offrande ferme brutalement, inhibant même la « patte Gojira » que l’on ne retrouve que trop rarement ici. Le côté aérien des compositions a disparu, l’ambiance n’y est pas, les titres s’enchaînent dans une agressivité toute relative et l’album passe, glisse sans laisser de réels souvenirs. Quelques plans de 6 cordes passe-partout sont habillés d’harmoniques artificielles « cache-basique », d’autres sont harmonisés trop facilement, à la va-vite, et tous sont répétés encore et encore et... Encore. Là où nous aimerions plus de recherche, de développements, les titres tournent autour d’un nombre d’idées limité que des structures top simples font revenir trop souvent, chacune leur tour, en rang bien ordonnés, pour la surprise on repassera.
« The Way Of All Flesh » est un album qui semble avoir été composé vite, trop vite. Un album auquel ses géniteurs pourtant talentueux n’ont pas apporté le même soin qu’à ses grands frères. L’impression d’écouter une oeuvre presque « bâclée » à laquelle il manque la (les ?) touche(s) finale(s) ne s’amenuise pas avec le nombre des écoutes et suscite une irrémédiable envie d’aller se plonger dans les précédentes réalisations du groupe. Evidemment la prod ultra puissante, le consensus autour du groupe qu’il devient difficile de critiquer en France et la promo extrêmement efficace du label aideront à faire passer la pilule et permettront à Gojira de poursuivre son grand bonhomme de chemin mais il faudra certainement plus d’audace et d’application la prochaine fois pour ne pas prendre le risque de se banaliser et de lasser son auditoire. Gageons que le talent, indéniable, de nos Frenchies leur permettra de sortir enfin LE chef d’oeuvre d’un Gojira seul dans son monde à lui, totalement hermétique aux échos du travail de ses maîtres à composer