Avec un « Out Of This World » raté, voire prétentieux, Europe a manqué l’occasion de faire fructifier le cultissime “The Final Countdown”. Trois ans après ce relatif échec amorti par le charisme d’un Joey Tempest ne laissant pas indifférentes les jeunes filles en fleurs, Europe revient avec un album plus direct et épuré « Prisoners In Paradise ».
La production, signée Beau Hill, redonne sa place à la guitare d’un Kee Marcello à la fois volubile et efficace, et aux claviers de Mic Michaeli, une place plus équilibrée. En effet, ces derniers sont toujours présents, mais ils ne noient plus les titres du combo suédois dans des sonorités sirupeuses envahissantes qui les privaient parfois d’une partie de leur efficacité. Du coup, « Prisoners In Paradise » sonne plus roots et chaque morceau en devient bien plus accrocheur. Même les ballades y gagnent en crédibilité, en particulier le titre éponyme à l’intro émouvante et au refrain obsédant. Il est d’ailleurs à signaler qu’avec le plus mielleux « Homeland », cet exercice de style se voit réduit à seulement deux titres sur un ensemble de douze morceaux, ce qui traduit bien la volonté d’Europe de revenir à des choses plus directes.
Et cette volonté est évidente dès les premiers accords d’un « All Or Nothing » qui ouvre les hostilités. Europe reste un groupe de FM, mais de Hard FM avec un grand H. En effet, en dehors des deux ballades précédemment citées, et du mélodique mid-tempo « I’ll Cry For You » au refrain inoubliable, les scandinaves nous assènent neuf brûlots d’une efficacité rare et semblent avoir trouvé le juste équilibre entre le hard rock des deux premiers albums et la pop-rock FM des deux suivants, réussissant le parfait mélange de l’énergie des uns et de la mélodie des autres. Chaque refrain est imparable et vous trotte dans la tête pendant des jours. Joey Tempest s’est débarrassé des encombrants tics qui handicapaient lourdement son chant sur « Out Of This World » et a gagné en émotion, modulant son chant et le mettant au service des compositions. Quant à Kee Marcello, il se révèle enfin comme le grand guitariste qu’il est, non seulement en nous offrant quelques soli du meilleur acabit (« Halfway To Heaven », « Seventh Sign »), mais également en profitant de la production qui donne toute leur ampleur à ses riffs tranchants et efficaces.
Tout ceci nous donne des titres oscillants entre un Hard FM mélodique et entraînant (« Halfway To Heaven », « Girl From Lebanon »), et un Hard toujours FM mais plus catchy (« Little Bit Of Heaven », «Talk To Me »). Et si un « ‘Til Your Heart Beats Down Your Door » en est tellement heavy qu’il en a un peu de mal à décoller, des titres comme la tornade « Seventh Sign », l’efficace « Got Your Mind In The Gutter » ou un « Bad Blood » au refrain cinglant et à la basse ronronnante, justifieront à eux seuls l’intérêt que suscitera cet album dont le seul réel défaut aura été de sortir au mauvais moment, coincé entre la sortie du double « Use Your Illusions » de Guns’n’Roses et la naissance du grunge. Les ventes insuffisantes au goût de Joey Tempest, déboucheront sur la séparation du groupe que nous furent nombreux à croire définitive jusqu’à certains évènements récents. Mais ceci est une autre histoire et il est encore temps de se pencher sur ce « Prisoners In Paradise » et de lui donner la chance qu’il mérite.