Au tout début des années 70, l'Allemagne s'est distinguée, en abritant un courant musical ultra-créatif, baptisé par la suite Krautrock (ou rock choucroute pour les franciseurs), sorte de mariage entre du rock progressif aux accents psychédéliques, et de la musique électronique, avec forte abondance de boucles répétitives.
De cette mouvance musicale sont nés des groupes à la carrière inégale, mais dont les noms résonnent immédiatement aux oreilles des amateurs de musique qui parle aux neurones (en vrac, Faust, Can, Grobschnitt, Tangerine Dream, Ashra Tempel, Kraftwerk, Klaus Schulze …). Et si ces grands noms ont depuis fait évoluer leur propos, tout en en conservant les racines, certains, tels Electric Orange fondé en 1992, ont décidé de reprendre le flambeau là où les glorieux anciens l'avaient abandonné, ces derniers n'hésitant d'ailleurs pas à donner un coup de main aux petits jeunes le cas échéant (le 4ème album du groupe a ainsi été produit par Eroc, ancien gourou de Grobschnitt !).
Fleischwerk est ainsi le 6ème album d'Electric Orange. Sorti en 2005 sous la forme d'un vinyle tiré à 300 exemplaires, il nous revient aujourd'hui en CD, agrémenté de plus de 25 minutes de bonus. Les treize plages présentes se résument en fait à 7 titres dignes d'intérêt, les autres n'étant que de courts interludes bruitistes, dont on s'interroge sur le pourquoi de leur présence sur cette galette, si ce n'est pour assurer un remplissage maximal du format numérique (79'15 au compteur).
Passé ce petit désagrément, place maintenant aux véritables compositions.
Dès les premières mesures de Koodu, le décor est posé… Et le moins que l'on puisse dire, c'est que l'on assiste à un véritable retour vers la période dorée du Krautrock : musique répétitive délivrée par des instruments aux tonalités analogiques, claviers rétros à souhait, quelques effets spéciaux pour donner une couleur psychédélique, le tout soutenu par une section rythmique basse/batterie hypnotisante. Schatten et encore plus Gewaechs viendront enfoncer le clou, avec une structure typiquement Tangerine Dream période Ricochet ou Rubycon pour ce dernier, les banderilles de guitare saturée en plus.
Les quatre autres compositions évoluent quant à elles dans un style beaucoup plus expérimental, profitant de leur longueur (de 9 à 24 minutes) pour nous emmener dans un univers sonore tourmenté, dans lequel la musique prend tout son temps, quitte à détourner l'attention de l'auditeur. Ainsi, si Sakral ou Sonnenbart se révèlent plutôt intéressants, Schrasng et ses aspects façon Ummagumma et l'interminable Fleischzusatz viennent quelque peu gâcher l'aspect "historique" de cette galette.
Que ceux qui recherchent dans la musique la nouveauté, l'innovation et la prise de risque passent donc leur chemin : avec Fleischwerk, Electric Orange se veut résolument passéiste, et assume cette ambition jusqu'à plus soif. Les fans de ces groupes aujourd'hui disparus retrouveront avec plaisir les sonorités de leur jeunesse, mais reprocheront peut-être au groupe son côté "jusqu'au boutiste" qui finit par diluer l'intérêt dans des compositions parfois trop expérimentales.