Les Australiens d’Unitopia nous reviennent en cet automne 2008 avec leur nouvelle production, un double album intitulé "The Garden". L’excellent "More Than A Dream", paru trois ans auparavant, avait éveillé la convoitise des amateurs de progressif atmosphérique symphonique, tant et si bien que c’est à présent le convoité label Inside Out qui distribue leur musique, lui permettant ainsi une diffusion plus large et plus rapide : déroulerait-on le tapis rouge pour Unitopia ?
Dès le morceau d’ouverture (One Day), le groupe fait preuve d’une belle assurance : il faut en effet oser entamer un album par une telle pièce, dans un registre intimiste - piano et chanteur. D’emblée la voix de Mark Trueack s’impose, claire, précise et ample, avec une diction extrêmement soignée.
L’auditeur habitué des compositions progressives portera naturellement une attention particulière au morceau suivant, un “épique” de plus de 22 minutes portant le titre de l’album, ce qui est généralement signifiant. Et l’auditeur a raison : à l’intérieur de ce Garden, il fait un voyage peu ordinaire, toujours mélodique et très varié. Le morceau n’est pas composé de manière “classique” - introduction, thème, variation, pont musical et retour au thème - mais plutôt comme un collage d’ambiances (le côté atmosphérique est très présent chez Unitopia) extrêmement bien articulé malgré la variété des genres abordés. Nous y passons en effet de l’ambient dépouillé au trio jazz, des rythmes impairs aux rythmes antillais, du swing lié aux percussions jusqu’au final symphonique ample rappelant celui de Supper’s Ready... Un voyage réellement marquant et dans lequel le guide est toujours présent : tout est sûrement composé et en place, fruit d’une écriture finement bridée, délaissant les sessions jam qui font souvent office de remplissage dans certaines productions prog. Une très belle réussite, assurément !
J’ai parlé de Supper’s Ready, car cet album, dont la qualité ne se dément à aucun moment, est celui des réminiscences. Si Mark Teruack est un afficionado de Genesis (il s’est produit dans une cover band, The Genesis Touch), bien d’autres influences affleurent à l’écoute du disque : le rock californien (Angelica), le piano fin XIXè (Saint-Saens n’est pas loin dans So Far Away et Journey’s Friend), Alias Eye pour la précision des arrangements (l’intro d’Angelica) et la mise en place vocale, Mike And The Mechanics (This Life), Saga pour le côté groovy dans Don’t Give Up Love, Alan Parsons Project (Inside The Power), ou encore Steve Hackett (Amelia’s Dream) ... Toutes ces influences sont sacrément bien digérées puisque totalement intégrées à l’univers d’Unitopia.
Mais cet univers existe-t-il ? Quand on voit la multiplicité des styles abordés, on peut se poser la question. Unitopia est aussi à l’aise dans l’efficacité pop (321 Hours, sorti en single, ou Here I Am en sont des témoins remarquables), que dans les passages jazz (The Garden ou Journey’s Friend), les ambiances soul (Give And Take), les morceaux très orchestrés comme So Far Away ou I Wish I Could Fly, qui arrivent à échapper à la mièvrerie par le soin apporté aux arrangements, et même lorsqu’il s’agit de durcir la rythmique : le groupe s’autorise dans un Journey’s Friend étourdissant de variété, un petit détour avec vocal hurlé et ryhtmique death intercalés entre deux passages planants ! Unitopia semble bien avoir réussi ici la synthèse entre des courants très divers, synthèse accomplie grâce à un phénoménal travail d’arrangements. Signalons notamment l’excellence des percussions, très présentes au long de l’album, le soin apporté à la mise en place des chœurs et l’intervention toujours bien placée d’un sax tantôt langoureux, tantôt jazzy. Le style du groupe est rarement virtuose (encore que le solo de guitare d’Angelica ...) mais toujours en équilibre entre la mélodie, l’efficacité et la complexité. Oui, Unitopia a un univers ... le sien ! Un style intemporel qui allie avec réussite les différents courants qui ont pu l'influencer.
Il est presque impossible, à moins de faire une chronique de plusieurs pages, ce que les administrateurs ne me pardonneraient pas, de détailler toutes les richesses de ce "Garden", dans lequel l'excellence de la production s'allie à l'irréprochabilité des musiciens pour nous livrer à n’en pas douter un des albums de l’année 2008 dans la musique progressive à tendance symphonique. Jetez-vous sans tarder sur cet opus, le voyage est à la hauteur des espérances placées dans ce groupe !