Les amateurs avertis de heavy metal old school le savent : en 1990, commence l'une des décennies les plus ingrates envers ce style. L'arrivée du grunge et du rock dit 'alternatif' faisant écho à la vague punk et hardcore provoque l'obsolescence rapide des groupes qui proposaient une musique virtuose et travaillée. Deux ans plus tôt, Queensrÿche avait offert via "Operation: Mindcrime", un concept album ambitieux, et faisait donc partie de ces groupes qui voyaient alors leur suprématie dangereusement menacée. Les groupes de Metal de l'époque ont eu deux types de réactions différentes à ce phénomène: Certains, comme Iron Maiden, n'ont fait aucune concession à l'époque, quitte à vivre un passage à vide commercialement. D'autres, comme Metallica et son "Black Album" se sont pliés avec opportunisme aux nouvelles exigences.
"Empire" fait partie de la deuxième catégorie. Trois titres rentrent dans le top 10 du 'Mainstream Rock Tracks', et "Silent Lucidity" fait même partie du top 10 du Billboard américain, tandis que l'album arrive septième de ce même classement. Ajoutez à cela que la production est confiée à Peter Collins (Rush, Alice Cooper, Bon Jovi...) et vous comprendrez que Queensrÿche a tout fait pour rester compétitif.
C'est sans réelle surprise que l'album s'ouvre sur un son de synthétiseur et des chœurs. Le morceau 'Best I Can' montre un groupe qui va à l'essentiel, c'est à dire la mélodie. Il faut dire que les gaillards possèdent de solides arguments avec la voix chaude de Tate et des musiciens expérimentés au service de la musicalité, quitte à faire des parties de batterie plates ou encore des arpèges simplistes sur toute la durée d'un titre alors que l'on s'appelle Chris DeGarmo.
Le résultat est évidement très efficace, avec des morceaux comme 'Jet City Woman', hommage aux femmes des membres du groupe, ou encore 'One and Only', qui interpellent immédiatement. La production met en outre parfaitement en valeur chaque élément, et l'amateur de belles mélodies sera comblé. De plus l'ambiance Queensrÿche est présente et empêche les morceaux de paraitre trop faciles, notamment sur 'Empire', dans laquelle les riffs lourds sont du meilleur effet et accentuent le coté glauque.
Si "Empire" a tout pour séduire le grand public, certains pourront avoir du mal avec le double chant qui alourdit l'ensemble, ou s'agacer du manque de risque de l'opus. En effet, si aucun titre n'est réellement mauvais, la juxtaposition de 11 morceaux calibrés pour la radio peut donner l'impression fatigante de subir une heure de MTV. Soyons un brin cynique et remarquons par ailleurs que la pochette est sans doute la plus moche que le groupe nous ait proposé. Malgré tout, il est impossible de passer à coté de cet opus. Au pire, vous réduirez bien vite "Empire" à la moitié de ses titres, sur lesquels vous reviendrez avec plaisir, au mieux l'ensemble vous permettra de passer un excellent moment en compagnie d'un groupe qui a apporté sa pierre à l'édifice Metal.